Nashville est célèbre dans le monde entier pour son titre de capitale internationale de la musique country. Il peut donc paraître surprenant que dans cette ville, la Mecque des auteurs-compositeurs country soit une minuscule salle de concert nichée dans une banlieue quelconque, au sein d’une rangée de petites boutiques bordant une artère commerçante.
C’est du légendaire Bluebird Café dont nous parlons : établi en 1982, il est toujours implanté dans son lieu d’origine, à Green Mills, soit à 16 km des néons et des touristes peuplant les bars et les clubs du centre-ville de Nashville sur Lower Broadway, ou encore de l’emblématique Ryman Auditorium.
« Les gens disent que les artistes country ont le Ryman, et que les auteurs-compositeurs ont le Bluebird », sourit Erika Wollam Nichols, directrice des opérations et directrice générale du Bluebird. Erika commença à travailler au Bluebird en tant que serveuse en 1984, alors qu’elle était à l’université, soit deux ans après qu’Amy Kurland, la fondatrice, ouvrit ce lieu de restauration gastronomique servant le déjeuner et le dîner. Erika put constater l’évolution du café ; d’un restaurant accueillant parfois des concerts, l’endroit devint un paradis sacré pour les compositeurs et autres amateurs de country.
« Amy avait un petit copain qui était guitariste, se remémore-t-elle. Il lui avait demandé si elle était d’accord pour installer une petite scène, il y ferait jouer ses amis. C’est comme ça que ça a commencé. Quand j’ai fait mes débuts ici, c’était des groupes qui se produisaient. Ce n’était pas un lieu dédié aux auteurs-compositeurs. »
Cependant, la petite salle n’était pas adaptée aux groupes tonitruants. Un soir, la personne en charge de la programmation décida de faire monter des guitaristes acoustiques sur scène… La suite de l’histoire, vous la connaissez.
« Quand Amy est arrivée ce soir-là, le public était complètement subjugué par les chansons, poursuit Erika. Elle a également remarqué que la caisse avait enregistré bien plus de commandes qu’auparavant. Elle s’est dit que peut-être, il allait falloir creuser ce truc d’auteur-compositeur. »
À bien des égards, la décoration intérieure cosy – et en grande partie inchangée – du Bluebird, avec ses chaises en bois patiné, ses toiles cirées, sa moquette usée, son plafond menaçant de tomber et ses murs ornés de portraits signés des artistes y ayant joué, lui confèrent un charme rétro pittoresque qui souligne son désintérêt pour les styles à la mode. Avec une jauge d’un peu moins de 90 spectateurs et accueillant des artistes jouant parfois au milieu du public (suffisamment proches des clients pour poser leur boisson sur leur table), le lieu est resté fidèle à sa mission : rendre hommage aux auteurs-compositeurs de country et à leur métier en leur offrant un cadre intimiste pour tester leurs morceaux originaux et nouer des liens avec leur auditoire.
« J’ai vu Vince Gill tendre sa guitare à des personnes assises à la table à côté de lui », sourit Erika.
Si vous souhaitez mieux connaître la riche histoire du Bluebird et de ses importantes contributions à la communauté des auteurs-compositeurs de Nashville, visionnez l’excellent documentaire de 2019 intitulé Bluebird (An Accidental Landmark That Changed Music History). Le film retrace l’évolution du café en une salle de concert axée sur les auteurs-compositeurs, qui a contribué à lancer la carrière d’innombrables compositeurs et artistes tels que Kathy Mattea, Garth Brooks, Faith Hill, Keith Urban, Taylor Swift et bien d’autres encore. De nombreux compositeurs célèbres, artistes, membres du personnel du Bluebird et d’autres personnes viennent ponctuer le documentaire de leurs anecdotes, révélant comment le club est devenu un élément vital de l’écosystème musical de Nashville.
Un partenariat avec Taylor pour soutenir les auteurs-compositeurs en devenir
Quelques années auparavant, Taylor Guitars a eu l’occasion d’initier une collaboration avec le Bluebird. Bien que le club soit sélectif quant à ses partenariats, Erika et Tim Godwin, directeur des relations artistes et du divertissement chez Taylor, reconnurent que le Bluebird et la marque étaient tous deux animés d’une même passion : aider les auteurs-compositeurs à progresser.
« Quand nous avons examiné notre partenariat avec Taylor, explique Erika, nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire qui soutiendrait à la fois les objectifs de Taylor (donner l’occasion à des musiciens, des artistes et des compositeurs de se produire) et notre volonté de permettre aux gens de progresser. »
Ancien musicien professionnel et amateur de musique bien faite, Tim indique qu’au fil des années, assister à des concerts au Bluebird lui a permis de mieux apprécier le cadre stimulant que le lieu a cultivé.
« Ce que j’aime quand j’assiste à des concerts ici, c’est la façon dont les paroles prennent véritablement vie, déclare-t-il. Quand vous écoutez un disque, vous entendez tout ce qui touche à la production ; ici, c’est simplement la guitare, les paroles, et vous avez vraiment l’impression d’être DANS la chanson. C’est une expérience fantastique, à la fois pour le public et pour l’artiste. »
« Ici, les auteurs-compositeurs sont rois ; notre travail, c’est de veiller à ce que les gens s’en rendent compte. »
Notre partenariat a officiellement pris son envol en 2020, sous la forme du Bluebird Golden Pick Contest : ce concours permettait aux compositeurs de gagner un créneau lors de la scène ouverte du lundi au Bluebird, un événement très convoité. Les auteurs-compositeurs-interprètes, quelle que soit leur provenance, peuvent publier une performance vidéo de leur morceau original sur Instagram et ainsi bénéficier d’une chance d’être sélectionnés pour jouer deux chansons au Bluebird. Un comité constitué par le Bluebird choisit une fois par mois un lauréat ; chaque vainqueur reçoit également une guitare American Dream de Taylor, ainsi qu’un enregistrement vidéo professionnel gratuit de lui en train d’interpréter sa chanson gagnante au showroom Taylor de Nashville, chez Soundcheck Studios. (Pour de plus amples informations sur le concours, veuillez cliquer ici.)
Cette année marque la quatrième édition du concours. Pour lancer la nouvelle saison, quelques membres de l’équipe des relations artistes de Taylor, notamment Tim Godwin, Lindsay Love-Bivens (directrice des relations artistes et communauté Taylor) et Gabriel O’Brien (producteur vidéo), se sont rendus à Nashville pour aborder avec Erika et d’autres l’histoire du Bluebird. Ils se sont également entretenus avec deux artistes et interprètes chevronnés du Bluebird, ayant animé les célèbres concerts « In the Round » du club (l’artiste joue au milieu du public) : Marshall Altman, compositeur, producteur de disques et directeur artistes et répertoire (A & R) à Nashville ; et Dave Barnes, auteur-compositeur-interprète.
Comme le hasard fait bien les choses, Kat & Alex, un duo de musiciens prometteurs avec lequel Taylor travaille, venait juste de se produire pour la première fois lors de la scène ouverte du lundi au Bluebird. Tim a donc pu recueillir leurs impressions toutes fraîches sur l’expérience.
Comment le Bluebird s’est forgé une identité
Remettons quelque peu les choses en contexte : historiquement (et en grande partie encore de nos jours), de nombreuses stars de la musique country n’écrivent pas tous leurs morceaux. À Nashville, les créations des auteurs-compositeurs sont donc essentielles à ce secteur. Toutefois, les compositeurs ne se retrouvent pas sous le feu des projecteurs comme le sont les artistes qui enregistrent leurs chansons ; en général, en dehors de ce milieu, ils ne sont guère connus. Il y a des années de cela, peu de lieux existaient pour que les compositeurs puissent présenter leurs morceaux en live.
Dès que le Bluebird commença à répondre aux besoins des auteurs-compositeurs et à être réputé en tant que salle de concert dans les années 1980, il devint rapidement un centre névralgique important pour la découverte de chansons inédites et de nouveaux talents à Nashville.
« Les membres des services A & R et les artistes venaient ici pour écouter des morceaux, et les musiciens pouvaient commencer à y bâtir leur carrière, nous informe Erika. Kathy Mattea a souvent joué ici et a décroché un contrat d’enregistrement. Une fois que les auteurs-compositeurs ont commencé à revendiquer cet endroit comme leur foyer, Amy a lancé les auditions et la scène ouverte ; elle a mis l’accent non seulement sur les artistes contemporains et leurs tubes, mais aussi sur l’art de la composition. »
À l’instar des humoristes qui perfectionnent leurs sketches en les présentant à un public venu assister à leur spectacle, les auteurs-compositeurs bénéficiaient à présent d’une plateforme live pour interpréter des versions de leurs chansons à l’intention de leur auditoire.
« Si vous vous êtes déjà trouvé dans cette salle, vous savez qu’il est facile de repérer une bonne chanson ; il en va de même pour un morceau moins réussi. Vous avez votre public en face de vous, et ce dernier réagit à la musique, poursuit Erika. C’était – et c’est toujours – un peu comme un labo dans lequel les artistes peuvent expérimenter de nouveaux morceaux. »
Dans certains cas, la chanson peut être très récente : elle a parfois été écrite le jour-même, ou il peut s’agir d’une version partiellement aboutie de celle-ci.
En plein cœur
Le style de concert caractéristique du Bluebird, c’est une configuration « in the round » : au lieu de se produire sur scène, plusieurs auteurs-compositeurs s’assoient au centre de la salle, entourés par le public, et jouent tour à tour leurs morceaux en évoquant les anecdotes qui les ont inspirés. Dans un club déjà petit, cette disposition crée un échange encore plus intimiste entre les artistes et l’auditoire.
Ce format fit ses débuts en 1985, quand un groupe d’amis auteurs-compositeurs chevronnés et habitués du Bluebird — Don Schlitz (« The Gambler »), Thom Schuyler (« Love Will Turn You Around »), Fred Knobloch (« A Lover Is Forever ») et Paul Overstreet (« When You Say Nothing At All ») remarquèrent que quand ils se produisaient sur scène, leurs auditeurs discutaient parfois pendant leur set. Un soir, Don et Thom vinrent et, déterminés à retenir l’attention de la foule, décidèrent de s’installer au milieu de la salle. Non seulement cette approche fonctionna, mais elle créa une expérience immersive unique à la fois pour les artistes et pour l’auditoire.
« Cela correspond si bien à la salle, sourit Erika. Vous avez l’impression d’être dans le salon de quelqu’un. Tout le monde est inclus, et même si vous vous trouvez à 6 mètres, à la table la plus éloignée, vous participez toujours à ce qui est en train de se passer. Je pense que cela donne vraiment au public une chance de se rendre compte de ce qu’est l’industrie de la musique, ici, à Nashville. »
Au fil des années, le Bluebird a élaboré différents formats de prestations pour soutenir et faire progresser les artistes se trouvant à des niveaux spécifiques de leur évolution. Tout le monde peut s’inscrire à la scène ouverte du lundi. Le Bluebird organise également des auditions quatre fois par an pour offrir aux musiciens l’opportunité de jouer lors de la nuit des compositeurs du samedi soir (six compositeurs sur scène, jouant chacun trois morceaux, ce qui leur donne la possibilité de construire leurs chansons). Après avoir participé à quatre concerts du samedi soir et avoir fait bonne impression, les artistes deviennent éligibles pour monter un concert « in the round » avec deux ou trois autres artistes.
« Si les artistes ne se connaissent pas, vous pouvez avoir un concert « in the round » épouvantable de compositeurs pourtant merveilleux. »
Erika Wollam-Nichols
Erika précise que la constitution d’un groupe convaincant est une forme d’art en elle-même.
« Ces concerts ne sont pas mis en place sans réflexion préalable ; il y a vraiment une synergie et une intention sous-jacentes », indique-t-elle.
L’auteur-compositeur principal choisit les autres musiciens qui vont l’accompagner. Cela garantit que les artistes ont déjà de fortes affinités les uns avec les autres, ce qui fait une énorme différence.
« Si les artistes ne se connaissent pas, vous pouvez avoir un concert épouvantable de compositeurs pourtant merveilleux, nous indique Erika. Ils vont juste s’asseoir et s’écouter jouer les uns après les autres. Mais quand vous avez quatre artistes qui ont écrit ensemble, qui emmènent leurs enfants ensemble à l’école, qui ont le même label, qui ont suivi la même voie… Alors là, vous allez avoir une alchimie incomparable. Leurs histoires sont amplifiées par les liens qu’ils ont noués tous ensemble. Et c’est ce que le public ressent quand ils se trouvent en son cœur. »
Marshall Altman entre en scène
Du point de vue de l’auteur-compositeur, jouer au Bluebird peut se révéler à la fois inspirant et intimidant, en particulier quand il s’agit de la toute première fois, déclare Marshall Altman, auteur-compositeur (Frankie Ballard, Eric Paslay, Cheryl Cole), producteur (Marc Broussard, Walker Hayes, Matt Nathanson) et directeur A & R (Katy Perry, One Republic, Citizen Cope).
Malgré ses antécédents en tant que musicien de scène, Marshall avoue que sa première prestation « in the round » au Bluebird s’est révélée éprouvante nerveusement, en partie parce qu’elle n’était pas prévue.
« Mon ami Rob Hatch, qui est auteur-compositeur, se mariait ce week-end-là, et un créneau lui était réservé, se remémore-t-il. Il me semble qu’il y avait Rob, Dallas Davidson, D. Walt Vincent et Lance Carpenter – quatre auteurs-compositeurs vraiment bons. Rob avait fêté son enterrement de vie de garçon la veille, et il ne s’en était pas encore complètement remis. J’étais assis à une table juste là, avec ma femme, Lela. Ils jouent, ils envoient tube sur tube…
Dallas Davidson joue « Rain Is a Good Thing », un énorme succès de Luke Bryan, l’un de mes morceaux préférés de country ; D. interprète « I’m Moving On » (Rascal Flatts), l’un des meilleurs morceaux country de tous les temps… Et là, Rob me regarde et chuchote “Je vais vomir. Viens jouer à ma place.” Je n’avais jamais joué ici avant (en réalité, j’avais écrit un morceau country à l’époque car je compose et je produis principalement de la pop et du rock) ; il se lève, se dirige vers les toilettes et déclare “Marshall va me remplacer”. Je joue donc cette chanson que j’ai écrite avec un célèbre compositeur, Andrew Dorf. Cela faisait très, très longtemps que je n’avais pas été aussi nerveux ! J’ai refusé de jouer au Bluebird pendant des années après ça. »
Marshall s’est depuis remis de ses émotions et a pris la tête de nombreux concerts « in the round » ; il admet toutefois qu’à chaque fois qu’il joue dans cette salle, cela reste un événement spécial.
« S’inspirer de tous les compositeurs qui se sont trouvés ici avant moi est quelque chose de vraiment puissant, dit-il. À chaque fois que je joue ici, je ressens l’énergie de tous ces artistes célèbres ou inconnus qui se sont produits dans cette salle. »
Ce qui fait également du Bluebird un lieu aussi particulier, c’est que la plupart des morceaux que lui et ses collègues auteurs-compositeurs créent et jouent ici n’ont jamais été enregistrés ni entendus par le public auparavant.
« Pour chaque chanson qui a presque été sélectionnée, puis qui a été rejetée, cela permet d’atténuer la douleur, convient-il. L’ouverture d’esprit, le respect et l’amour que le public, les gens qui vous entourent, montrent envers votre art… C’est génial. Cette salle, les personnes qui la gèrent et Erika ont ma reconnaissance éternelle. C’est une oasis où nous pouvons partager les créations de notre vie en tant que compositeurs. »
Dave Barnes
Dave Barnes, auteur-compositeur-interprète, s’est établi à Nashville en 2001. Il a également constitué et joué dans un grand nombre de concerts « in the round » au Bluebird au fil des ans, et déclare qu’il considère toujours ce bar comme un lieu sacré quand il y arrive.
« Quand je marche vers le fond de la salle, j’ai l’impression d’être super détendu, fait-il. Dix minutes auparavant, quand j’arrive – et je ne mens pas – j’ai des frissons, parce que c’est un endroit tellement particulier. C’est une sorte de point zéro, accueillant une magie tellement puissante à Nashville pour les auteurs-compositeurs… Pour tout le monde, en fait.
Je pense que cette salle fait partie des ingrédients de la recette spéciale de Nashville ; vous ne la trouverez nulle part ailleurs. Je suis très fier d’en faire partie, même de simplement m’y produire ou d’en parler aux gens ; il s’agit en effet d’un élément vraiment nécessaire de l’écosystème de Nashville. »
« Nous sommes comme un léger murmure ici. Pas besoin de crier. »
Erika Wollam-Nichols
Des visages dans la foule
Ce qui fait aussi du club un endroit spécial, c’est que vous ne savez jamais qui pourrait être assis dans la foule et être invité à jouer une chanson un soir donné. Il pourrait s’agir d’un compositeur ayant écrit un tube, et dont la version acoustique originale magnifie les paroles d’une manière personnelle unique et entièrement différente de celle, enregistrée, que tout le monde connaît, révélant ainsi l’essence du morceau d’une façon faisant davantage écho à nos émotions.
Peut-être assisterez-vous à l’apparition surprise d’un artiste accompli, comme Ed Sheeran ou Taylor Swift, ou de quelqu’un tranquillement assis dans un coin, regardant le concert – comme le soir où Dave Barnes était sur scène, qu’il repéra dans la foule la légende du fingerstyle, Tommy Emmanuel, et l’invita à le rejoindre.
« J’ai dit “Je ne sais pas si vous le savez, mais voici Tommy Emmanuel, probablement l’un des plus grands guitaristes vivants de notre époque”, se remémore Dave. Il est venu jouer ; évidemment, je me suis dit “Est-ce qu’on peut terminer le concert quand il aura fini ? Quiconque viendrait jouer Sol, Do, Ré après ça, ça allait sembler d’un ennui mortel” », rit-il.
Une opportunité en or
Liana Alpino, responsable de la marque et du merchandising du Bluebird, intervient dans de nombreux aspects opérationnels du lieu, qu’il s’agisse du marketing, des réseaux sociaux, de la supervision du site Web ou de son travail en tant chargée des partenariats du Bluebird. Elle a joué un rôle important dans la coordination de la logistique du concours Golden Pick Contest que Taylor et le Bluebird ont organisé ces dernières années. Selon elle, ce qui rend le concours attrayant, c’est que cet événement offre aux compositeurs en devenir, tous horizons confondus, la chance de remporter un créneau de prestation prisé et de rencontrer d’autres artistes.
« Nous avons eu des lauréats venant de tout le pays, et même un gagnant originaire du Royaume-Uni, déclare-t-elle. C’est génial de voir tous ces musiciens talentueux qui vivent hors des limites de Nashville. J’ai de la chance, car j’ai l’occasion de rencontrer tous les vainqueurs quand ils viennent jouer chez nous ; tous m’ont avoué à quel point ce concours avait de l’importance à leurs yeux. Nombre d’entre eux m’ont dit “Cela me donne une raison d’écrire chaque jour.” Parmi les participants au concours, plusieurs ne sont pas auteurs-compositeurs professionnels ; ils ne sont pas artistes à plein temps. Ils ont une routine quotidienne en plus de la musique… Dans ces conditions, il peut être difficile d’être créatif, mais ces musiciens trouvent que le concours est une bonne raison de continuer à composer mois après mois. »
Kat and Alex
Mari et femme à la ville, le duo Kat et Alex intègre des couleurs latino uniques et de riches harmonies vocales à ses sonorités country, entremêlant parfois des paroles en anglais et en espagnol dans ses chansons. Kat est américaine de première génération, issue d’une famille cubaine ; Alex, quant à lui, est d’origine portoricaine. Les deux tourtereaux se sont rencontrés dans leur ville natale de Miami. Leur amour commun de la musique country et latine a constitué les fondations de leur identité musicale. Depuis leur emménagement à Nashville pour faire progresser leur carrière, ils se concentrent sur l’écriture et l’enregistrement de leurs morceaux originaux, imprégnés de leurs influences mélangées.
Taylor avait déjà prévu de tourner avec eux une séquence vidéo dans notre showroom de Nashville pour notre série Soundcheck ; cela concordait avec la visite de notre équipe au Bluebird. Heureuse coïncidence : Tim Godwin a pu les rencontrer le lendemain de leurs débuts au Bluebird, après les avoir vus jouer la veille. Ils étaient toujours sous le coup de l’émotion de cette expérience marquante.
« Je n’ai jamais autant pleuré en me produisant ! » s’amuse Kat.
« Les gens sont tellement proches de toi, renchérit Alex. C’est un moment si intimiste, où tu laisses vraiment le public intégrer ta carrière, ta vie… Je pense que c’est un moment de partage vraiment spécial. C’est un lieu sacré, et je vais avoir l’audace de le comparer au Grand Ole Opry. »
Le couple a présenté pour la première fois plusieurs nouvelles chansons au cours de leur set.
« J’ai chanté une chanson que j’avais écrite pour Kat, et qui lui est dédiée, poursuit Alex. Elle a interprété un morceau que nous avons écrit ensemble et dédié à ses parents. Nous avons également joué un titre que nous n’avons pas encore sorti, intitulé “Cowboys Need Sunsets”. C’était une soirée vraiment spéciale pour partager des morceaux où nous sommes vulnérables, des titres que nous avions composés mais pas encore sortis, pas même sur les réseaux sociaux. »
« J’ai vu des gens pleurer avec moi, sourit Kat. Quelqu’un m’a fait passer une serviette en papier. Je me suis dit “OK, ils ressentent ce qu’on ressent, ils comprennent ce qu’on ressent”. J’ai l’impression d’avoir rempli ma mission quand quelque chose comme ça se passe. »
Investir dans les auteurs-compositeurs de demain
Bien que le Bluebird soit devenu un établissement culte au sein de la communauté musicale de Nashville, la vision à long terme de la fondatrice Amy Kurland incluait de trouver une manière de préserver l’avenir du lieu quand elle prendrait sa retraite. En 2008, quand le moment fut venu pour elle de tirer sa révérence, elle vendit le Bluebird à l’organisme Nashville Songwriters Association International (NSAI), la plus grande association professionnelle d’auteurs-compositeurs à but non lucratif au monde. À ses yeux, la mission de la NSAI (« éduquer, faire progresser et célébrer les auteurs-compositeurs ; agir comme une force unificatrice au sein de la communauté musicale et de la communauté en général ») faisait de l’organisme le gardien des lieux idéal pour son bon fonctionnement.
Amy avait également en tête la personne idéale pour prendre en charge les opérations : Erika, qui avait quitté le Bluebird et travaillait depuis trois ans à la NSAI en tant que directrice du développement, accepta de revenir au Bluebird en tant que directrice générale et directrice des opérations.
Le Bluebird devient une star de la télévision
En 2011, Erika reçut un appel concernant un projet de développement télévisuel pour une série dramatique se déroulant à Nashville et basée sur des histoires autour de plusieurs stars fictionnelles de la musique country. L’équipe créative voulait rendre le cadre de Nashville aussi authentique que possible : ils demandèrent donc s’il était possible de tourner quelques scènes au Bluebird pour un épisode pilote. Erika accepta et la série, intitulée Nashville, fut choisie par ABC. Elle connut six saisons, de 2012 à 2018, et fut diffusée sur ABC, puis ultérieurement sur CMT.
Le Bluebird allait devenir un décor récurrent tout au long de la série. Toutefois, pour ce faire, la société de production (Lion’s Gate) construisit une réplique exacte du club (extérieur et intérieur) en studio. Cette réplique avait été conçue avec une attention minutieuse aux détails pour la rendre aussi fidèle que possible. (Les scénographes sont allés jusqu’à emprunter toutes les photos d’artistes accrochées au mur dans le véritable Bluebird, les ont scannées et les ont fixées au mur du plateau de tournage exactement de la même manière.)
Bien que la série ait transformé le Bluebird en une marque mondialement connue et en un lieu incontournable pour de nombreux fans de Nashville, elle entraîna également une augmentation écrasante du trafic touristique que le club eut du mal à gérer.
« Je crois que le plus drôle, c’est que les gens venaient à cause de la célébrité du Bluebird Café, déclare Erika. Ils ne savaient pas qu’on y jouait de la musique… Qu’on accueillait deux spectacles par soir. Ils s’en fichaient. Tout ce qu’ils voulaient, c’était être entre ces murs en personne, voire éventuellement y faire une photo. Si vous regardez le documentaire, vous vous en apercevrez, car c’est assez stupéfiant. »
Toute cette attention a quand même eu des conséquences positives : elle offrit au Bluebird une plateforme plus conséquente afin de montrer pour quelle raison les auteurs-compositeurs sont si importants à Nashville.
« Ici, les auteurs-compositeurs sont rois ; notre travail, c’est de veiller à ce que les gens s’en rendent compte, poursuit-elle. Nous avons donc eu l’occasion de dire “Nous sommes une salle de concert, nous diffusons des morceaux originaux, nous accueillons des auteurs-compositeurs”… Ça, ça avait marché. Toutefois, nous n’avons toujours que 86 places. »
Le succès de la série télévisée a également suscité davantage d’intérêt extérieur pour le tournage d’un documentaire sur le Bluebird, un projet qu’Erika avait déjà en tête pour documenter sa longue histoire. Elle avait rencontré les cinéastes Brian Losciavo et Jeff Molano, qui avaient travaillé sur la série ; les deux hommes ont sauté sur l’occasion de donner vie au projet.
Erika était ravie du résultat, Bluebird.
« Ça n’aurait pas pu être mieux, admet-elle. Vous auriez ri en voyant le tournage pendant les concerts… Les cameramen étaient sous les tables, derrière les piliers, parfois entre les pieds des gens… Et ce, juste pour pouvoir capturer ce que l’on ressent, le genre de proximité qui se trouve dans cette salle et l’intimité qui se crée entre une personne, un interprète et une chanson. »
Après avoir célébré le 40e anniversaire du Bluebird en 2022, Erika est toujours aussi passionnée : elle désire continuer à préserver l’essence et l’héritage du lieu dans son emplacement actuel, même si Nashville et sa banlieue continuent à connaître une croissance commerciale et résidentielle majeure.
« Ils vont construire un immeuble de 21 étages juste à côté de nous, ça va devenir hyper commerçant dans le quartier, déplore-t-elle. Peut-être allez-vous regarder l’intérieur de notre salle et vous dire “C’est une vieille moquette, ce sont de vieilles nappes”, tout ça… Mais ce lieu possède une énergie et, j’en suis convaincue, est une source d’inspiration pour inciter les gens à créer les meilleurs morceaux de musique possibles. Nous sommes également en harmonie avec les artistes qui collaborent avec nous, et sur la façon dont nous allons de l’avant pour nous représenter les uns les autres. C’est vraiment très important, car nous sommes comme un léger murmure ici. Pas besoin de crier. Il faut vraiment se concentrer sur qui nous sommes et ce que nous faisons, et je crois que Taylor voit les choses de la même manière. »