Entièrement détenue par ses employées

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Après avoir consacré des années à la réussite de l’entreprise et à l’instauration d’une culture de la créativité, Bob Taylor et Kurt Listug, les co-fondateurs de Taylor, ont le plaisir d’effectuer un transfert de propriété en faveur de leurs employés. Voici pourquoi l’avenir n’a jamais paru aussi radieux pour Taylor... Et pour les guitaristes.

La scène se passe un lundi matin de janvier. Pourtant, manque au tableau le bourdonnement habituel des guitares prenant vie dans les ateliers de production de l’usine Taylor d’El Cajon, en Californie. En voilà la raison : de l’autre côté de la rue, nos artisans ont retrouvé leurs collègues employés sur le parking de l’entrepôt d’expéditions et ce, pour une annonce virtuelle obligatoire concernant l’ensemble de l’entreprise.

Un mur vidéo LED de 9 mètres a été dressé, et un compte à rebours numérique sur l’écran égrène les secondes. Sous le ciel azur de Californie du Sud, les employés sont masqués et respectent les mesures de distanciation sociale. Partout dans le monde, les collaborateurs Taylor travaillant à distance, y compris ceux de notre équipe européenne, ont reçu la consigne de regarder cette vidéo via un lien qui leur a été fourni.

Bien que son contenu soit resté vague, l’annonce a été présentée sous un jour positif, comme une reconnaissance importante de nos employés ; ainsi, un sentiment d’anticipation curieuse flotte dans l’air, alors que les employés présents sur le site bavardent ou consultent leur téléphone pour tromper leur attente. 

À l’heure dite, la vidéo débute : c’est l’image de Bob Taylor, fier jeune homme de 17 ans tenant la toute première guitare qu’il ait jamais fabriqué (une dreadnought 12 cordes), qui emplit l’écran. La vidéo continue et met en valeur les faits marquants de l’histoire de l’entreprise, alors que l’on entend les voix familières de Bob et du co-fondateur Kurt Listug échanger leurs souvenirs en regardant des photos d’archives ; sur ces clichés documentant les débuts ardus de l’entreprise, ils y apparaissent avec quelques années de moins.

Les deux hommes se remémorent leur passion commune pour la fabrication de guitares, qui les a réunis à la boutique « American Dream ». C’est cette même passion qui les a incités à s’associer et à acheter le commerce pour la somme de 3 700 $, se lançant respectivement dans les affaires à 19 et 21 ans. Ils se rappellent les difficultés rencontrées et reviennent sur leur volonté de fer, qui leur a permis de nager à contre-courant pendant 10 ans avant d’être en mesure de passer le cap et de se verser un salaire régulier.

« Ça n’a pas été facile pendant un bon moment », déclare Kurt. « On a dû tout apprendre. Comment fabriquer des guitares. Comment les vendre. Comment monter une entreprise. »

La vidéo suit l’évolution de Taylor et s’achève sur le fonctionnement actuel de l’entreprise. Bob et Kurt remercient les employés pour leur travail acharné et leur esprit d’équipe, qui ont soutenu la croissance et la réussite de l’entreprise, et ont permis de définir la culture qui la caractérise. Ils reconnaissent également les bouleversements qui ont agité de l’année 2020.

« Pour tester la culture d’une entreprise, vous pouvez observer comment elle réagit face à l’adversité », affirme Kurt, faisant référence à sa volonté de résoudre les problèmes et aux efforts précoces que lui et Bob ont déployés pour affronter les défis sans précédent de 2020. « Nous voulons que vous sachiez à quel point nous sommes fiers de la manière dont notre entreprise a été à la hauteur de la situation. »

Bob confirme ce sentiment, revenant sur les réussites de 2020, comme la création rapide et le lancement de la série American Dream, la sortie de notre nouvelle guitare GT et la manière dont les employés à la production se sont adaptés aux nombreux nouveaux protocoles de sécurité sanitaire sur le lieu de travail en cette époque de COVID.

« Malgré toutes les difficultés auxquelles nous avons dû faire face, Kurt et moi-même savions que nous pourrions nous en sortir en tant qu’entreprise, et que nous en sortirions plus forts ; nous l’avons déjà fait par le passé », déclare-t-il. « Mais cette fois, nous pouvons compter sur la présence à nos côtés des personnes les plus talentueuses et dévouées qui soient. »

Le plan de la vidéo change. Cette fois, Bob et Kurt sont face à la caméra et s’adressent directement aux employés.

« C’est un grand jour dans l’histoire de Taylor Guitars », déclare Bob. « C’est un jour que Kurt et moi avions prévu depuis longtemps. »

Ils reviennent sur une question qu’on leur pose de plus en plus ces derniers temps, d’autant plus que les deux hommes ont bien entamé leur soixantaine : « Que va-t-il advenir de Taylor Guitars quand vous ne serez plus là ? »

« Kurt et moi n’avons pas prévu de prendre notre retraite prochainement », déclare Bob, « mais c’est une question importante. Aujourd’hui, nous allons y répondre. »

« Chaque entreprise couronnée de succès se trouve face au même défi : que se passera-t-il quand les fondateurs ne seront plus là ? », poursuit Kurt. « Qui détiendra l’entreprise ? Qui seront les personnes les mieux placées pour montrer la voie à l’avenir ? Qui veillera à l’intégrité de nos valeurs, et soutiendra la culture que nous aimons ? Bien que Bob et moi ayons encore de nombreuses années à consacrer à l’entreprise, nous voulions nous assurer de la positionner au mieux pour ses réussites futures et ce, afin de lui offrir la meilleure chance possible d’être encore sur le devant de la scène ces 100 ou 200 prochaines années. »

« Pour nous, le “bon vieux temps”, c’est le présent et l’avenir. »

Bob Taylor

Kurt explique les options standard proposées aux entreprises planifiant un transfert de propriété ; il indique pour quelle raison aucune des solutions avancées ne trouvait grâce auprès de lui, de Bob ou de notre designer et maître-luthier Andy, devenu troisième partenaire propriétaire en 2019. Ils auraient pu conserver l’entreprise dans la famille (sauf que Kurt n’a pas d’enfant, et que les filles de Bob n’ont jamais été intéressées par une reprise) ; vendre l’entreprise à un autre fabricant d’instruments de musique (ils ont reçu des offres, mais selon eux, aucune autre société ne pourrait véritablement comprendre ou préserver la culture de Taylor) ; vendre à un fonds d’investissements privé (ce qui pourrait compromettre la santé financière de l’entreprise, ou sa mission fondamentale) ; ou entrer en bourse (mais Taylor est une trop petite entreprise pour ça).

« Aucune de ces solutions n’aurait préservé les valeurs de l’entreprise, ni continué à se focaliser sur le design et la fabrication des meilleurs instruments de musique possibles, alors que c’est le secret de notre réussite », renchérit Kurt. « De plus, nous aurions perdu le contrôle sur la prise de décision et la définition des objectifs pour l’entreprise. »

Une seule et unique option avait un sens, poursuit Bob.

« En réalité, à cet instant présent, Kurt et moi ne sommes plus propriétaires de Taylor Guitars », affirme-t-il. « Le 31 décembre, alors que vous prépariez les réjouissances du Nouvel An, Kurt, Andy et moi étions en train de signer les documents pour vous transmettre à vous, nos chers employés, la propriété de Taylor Guitars. Vous avez bien entendu : Taylor Guitars est à présent intégralement détenue par ses employés. Félicitations ! »

Terry Myers, l’un des plus anciens employés de Taylor (32 ans au service de l’entreprise), se trouvait sur le parking lors de l’annonce.

« Je n’en revenais pas », déclare-t-il. « Franchement, quand j’ai entendu parler d’une annonce importante, concernant toute l’entreprise, je me suis d’abord dit qu’on avait été vendus, et je me demandais qui était le nouveau propriétaire. Pourtant, l’atmosphère sur place était assez positive, ça me paraissait un peu bizarre ! On sait tous que quand une entreprise est vendue, ça ne sent pas bon pour la plupart des employés. Alors quand j’ai entendu que nous, les employés, on était les nouveaux propriétaires… Je me suis dit que ça, je ne l’avais pas vu venir ! C’était un moment extraordinaire. »

Al Moreno, vidéaste qui filmait l’événement, nous transmet ses impressions :

« Je me suis senti comme un musicien qui intégrait un groupe super célèbre. J’étais tellement fier de faire partie de cette communauté d’employés ! », sourit-il.

Transition vers un régime d’actionnariat des salariés

Le mécanisme par lequel les employés de Taylor en sont devenus les propriétaires s’appelle un régime d’actionnariat des salariés (ESOP ; Employee Stock Ownership Plan). Établi selon la loi fédérale des États-Unis, il fonctionne comme un régime de retraite qui offre aux employés qualifiés d’une entreprise une participation au capital via des comptes individuels. Cet ESOP détient des parts des actions de l’entreprise au nom des employés. Ces parts sont ensuite divisées et allouées à des épargnes-retraites personnelles au fil du temps (les employés n’achètent pas concrètement les parts). La valeur de chaque épargne-retraite reflète les performances de l’entreprise ; ainsi, plus elle connaît de croissance et de réussite au fil du temps, plus les employés en retireront des bénéfices pécuniaires. Chaque année, l’entreprise met de l’argent sur les comptes des employés. Quand un employé quitte l’entreprise ou prend sa retraite, l’ESOP le rémunérera en fonction de la valeur de l’entreprise et du nombre de parts sur son compte.

Bob et Kurt reviennent sur leur transfert de propriété, leurs espoirs pour l’avenir de Taylor et ce dont ils sont les plus fiers.

« Ces derniers temps, de plus en plus de travailleurs n’ont plus la possibilité de se lancer et d’épargner. »

Kurt Listug

« Avec l’actionnariat des employés, nous rétribuons notre personnel d’une manière encore plus importante et significative », déclare Kurt. « Cela permet à tous d’avoir un intéressement financier direct dans la réussite de l’entreprise, et donc de continuer à vouloir fabriquer les meilleurs instruments de musique possibles pour les années à venir. »

De l’importance de prévoir

Un ESOP est une entité sur laquelle Kurt, Bob et Barbara Wight, directrice financière de Taylor, ont commencé à se pencher il y a des années. En réalité, cela fait près de sept ans que l’entreprise planifie activement ce transfert. Prévoir pour l’avenir, se remémore Bob, était un principe fondamental que Kurt et lui ont appris à chérir tôt au cours de leur partenariat.

« Kurt et moi avions la vingtaine, on essayait de monter une boîte sous la forme qui nous conviendrait le mieux », explique-t-il. « On parlait à un avocat, et à un moment il nous a dit “Quand vous vendrez votre entreprise…”, ce à quoi j’ai répondu “Que voulez-vous dire ? Je n’ai aucune intention de vendre cette entreprise.” Il m’a répondu : “Bob, vous allez vendre cette boîte, que ça soit par accident, à votre mort, ou un peu avant, quand vous aurez encore le contrôle.” Je me suis pris ça en pleine face : il était essentiel de prévoir notre avenir. »

Barbara Wight, engagée en tant que directrice financière chez Taylor en 2009, a appris « à la dure » pour quelle raison il était important pour une entreprise de créer un plan de succession de la propriété.

« J’ai fait la douloureuse expérience de devoir aider une grande société, leader mondial de son domaine, à faire un transfert quand son fondateur est décédé inopinément ; l’entreprise n’avait pas mis en place de plan de succession », se rappelle-t-elle. « Et on s’est retrouvé face à deux pans différents : la gestion de l’entreprise en elle-même, et l’entité de l’entreprise, sous forme d’organisme. Si vous n’avez pas de plan de succession pour cet organisme quand vous n’en faites plus partie, cet organisme aura du mal à survivre. »

« Zildjian a été fondée au XVIIe siècle, Martin en 1833… Il n’est pas rare que des entreprises œuvrant dans l’univers de la musique soient centenaires. »

Barbara Wight

Quand Barbara a passé son entretien avant d’être embauchée chez Taylor, les discussions ont principalement porté sur ce point précis.

« Je leur ai dit que je ne voulais plus jamais connaître ça. Je voulais m’assurer que Bob et Kurt comprennent qu’ils devaient penser de même et, bien évidemment, c’était le cas, car ils réfléchissent sur le long terme. En gros, cela fait depuis que j’ai commencé ici que l’on en parle. »

Andy Powers engage sa carrière

Lorsqu’il s’agit de prévoir pour l’avenir, l’un des exemples les plus parlants de l’implication sans faille de Taylor envers le design de guitares a été l’embauche d’Andy Powers. Son arrivée s’est faite quasiment pile 10 ans avant le transfert de propriété. Quiconque a suivi le déferlement prolifique d’innovations guitaristiques de Taylor au cours de la décennie écoulée comprend l’impact phénoménal qu’Andy a eu en tant qu’architecte/concepteur d’avant-garde. Tout le monde sait qu’Andy a été recruté pour succéder à Bob en tant que créateur de guitares. Ce que certains d’entre vous ignorent peut-être, c’est que Bob voulait explicitement engager quelqu’un de relativement jeune, qui pourrait faire toute sa carrière chez Taylor. En réalité, quand Bob écrivit une « liste de souhaits » des compétences qu’il désirait voir chez son successeur, l’une d’entre elles était le fait que la personne devait avoir moins de 30 ans, mais plus de 20 ans d’expérience en lutherie… Un prérequis semblant impossible à satisfaire. Et pourtant… Andy répondait à ce critère : il avait construit sa première guitare à l’âge de neuf ans !

Andy confirme son implication auprès des nouveaux propriétaires/employés de Taylor après l’annonce du transfert de propriété par Bob et Kurt.

« Je m’engage à passer ma carrière professionnelle ici, à fabriquer ces guitares que nous aimons tous tant », déclare-t-il. « Bob a toujours dit que Kurt et lui avaient consacré beaucoup de temps à construire des fondations solides, et un toit qui ne fuyait pas ; nous allons passer la génération suivante à en aménager les intérieurs. »

Bob considère l’embauche et la collaboration avec Andy comme l’une des réussites dont il est le plus fier, et comme un exemple de la philosophie visionnaire de l’entreprise.

« Andy est meilleur luthier que moi. Je suis même convaincu qu’il est l’un des meilleurs au monde ! C’est fantastique, car ça veut dire que nous pouvons envisager un avenir radieux, plutôt que d’essayer de recréer le passé », souligne-t-il. « Pour nous, le “bon vieux temps”, c’est le présent et l’avenir. »

De l’importance des employés et de la culture

En tant qu’entreprise, Taylor aurait très bien pu s’établir en tant qu’actrice respectée sur le marché des guitares acoustiques haut de gamme et rester à taille humaine. Toutefois, Bob et Kurt ont toujours été plus ambitieux.

« Je me souviens quand nous avons acheté la boutique American Dream », se remémore Kurt. « Nous nous sommes dit “Un jour, on sera aussi gros que Martin”. Nous n’étions que des gosses, et c’était assez drôle, sur le moment ; mais nous avions cet objectif qui nous réunissait. »

Au fil du temps, alors que leur équipe s’étoffait, Bob et Kurt ont également compris que pour que l’entreprise poursuive sa croissance et demeure fidèle à ses valeurs, ils auraient besoin de bâtir une culture solide aux côtés de personnes qui partageaient leur vision et leur volonté.

« Nous adorons fabriquer des guitares ; mais ce que Kurt, Andy et moi-même aimons encore plus, c’est créer des emplois et offrir une carrière à nos employés. »

Bob Taylor

« Tout ne tourne pas autour des affaires », dit Kurt. « C’est une entreprise, c’est vrai, mais nous voulions attirer des personnes qui aimaient autant leur boulot que Bob et moi. Nous voulions créer un milieu professionnel qui mettrait en valeur la résolution innovante de problèmes, la collaboration et le respect. Un endroit où les gens se sentiraient suffisamment autonomes pour user de leurs talents uniques, et être fiers de leur travail. »

Bob se souvient très bien de l’épiphanie qu’il eut en tant que jeune luthier aspirant à faire bien plus que de simplement maîtriser l’art qu’il pratiquait ; il voulait en faire une vocation attrayante pour d’autres.

« Quand je repense à nos débuts, où nous galérions, où j’aimais ce que je faisais mais où je n’avais pas le sou, je me suis fixé un autre objectif : faire de mon labeur un travail que d’autres pourraient être fiers d’effectuer. Un boulot où vous pourriez dire à n’importe lequel de vos amis faisant carrière : “Moi aussi, j’ai une grande carrière : c’est la lutherie.” »

Des décennies plus tard, malgré les hommages reçus en tant que pionnier du design moderne et de la fabrication de guitares, Bob s’enorgueillit de voir ce qu’est devenue Taylor, qui compte à présent plus de 1 200 employés.

« Nous adorons fabriquer des guitares ; mais ce que Kurt, Andy et moi-même aimons encore plus, c’est créer des emplois et offrir une carrière à nos employés » explique-t-il.

Les employés/propriétaires Taylor nous font part des éléments de la culture d’entreprise qui trouvent écho chez eux.

Vision à long terme

Kurt comprend pour quelle raison le régime d’actionnariat des employés s’avère être la meilleure façon d’envisager l’avenir, du point de vue de l’entreprise. Toutefois, il souhaite vivement offrir aux nouveaux employés/propriétaires une manière de se créer un avenir financier plus radieux, pour eux et pour leur famille, en particulier à une époque où les inégalités se creusent de plus en plus dans le monde entier.

« Ces derniers temps, de plus en plus de travailleurs n’ont plus la possibilité de se lancer et d’épargner », explique-t-il. « La plupart des gens ne sont pas en mesure de bénéficier d’une certaine stabilité financière au cours de leur vie, à moins de dépenser le strict minimum et d’avoir des revenus suffisamment élevés par rapport à ces frais pour pouvoir économiser. Ils n’auront pas la capacité de gérer un capital ou d’être payés en actions. Ce régime de propriété est une opportunité pour les employés : ainsi, ils peuvent bâtir un capital au fur et à mesure que l’activité augmente. Ils épargnent de l’argent pour leur retraite, quelque chose qu’ils n’auraient pas été en mesure de faire autrement. »

Tous les employés sont concernés

L’une des exigences de Bob, Kurt et Andy, alors qu’ils se penchaient sur le transfert de propriété vers les employés, c’était de trouver une structure adaptée à tous les employés Taylor et ce, pour que l’ensemble du personnel puisse participer, y compris ceux installés au Mexique, en Amérique du Sud, au Royaume-Uni et en Union européenne. Après tout, notre siège européen à Amsterdam offre une plateforme opérationnelle pour nous permettre de gérer notre propre réseau de distribution et de ventes, et comprend un centre de réparation et de service après-vente entièrement équipé ; il a été essentiel à notre croissance internationale au cours de la décennie écoulée.

De même, notre deuxième complexe manufacturier de Tecate, Basse-Californie, Mexique (à près d’une heure de notre siège américain d’El Cajon), où nous fabriquons la Baby Taylor, la GS Mini, la série Academy, les séries 100 et 200 et nos étuis et housses, a également joué un grand rôle dans notre croissance.

« L’une de nos plus grandes réussites a été le développement de nos activités à Tecate », déclarent Bob et Kurt dans un message adressé aux employés Taylor du Mexique, à la suite de l’annonce de l’ESOP. « Nous sommes convaincus qu’il s’agit de l’une des meilleures usines de fabrication de guitares au monde, et vous devriez tous et toutes être fiers du travail que vous avez accompli pour faire de Taylor un leader du secteur et rendre nos guitares aussi populaires sur la planète. »

Les réglementations relatives à l’ESOP ont été établies conformément à la loi fédérale des États-Unis. Trouver le mécanisme parfait, qui permettrait d’inclure les employés de plusieurs pays, a rendu le processus plus complexe que prévu ; en effet, les lois diffèrent selon les pays. Barbara Wight, directrice financière, a pris les devants : elle a collaboré avec des conseillers externes, dont la spécialité était d’aider les entreprises à appréhender le transfert de propriétés par l’intermédiaire des ESOP. C’est l’une des raisons pour lesquelles le processus de planification a pris plusieurs années.

« Il nous a fallu prendre en compte chaque actionnaire et, tant que nous n’étions pas sûrs que tout le monde serait correctement reconnu et intégré à la transaction, la structure ne pouvait pas fonctionner », admet Barbara. « Cela comprenait Bob, Kurt et Andy, mais aussi tous nos employés dans le monde entier. Il fallait également que ça soit bénéfique pour nos prestataires, nos clients, la communauté locale, la communauté entrepreneuriale et les créanciers qui nous aident à acheter l’entreprise. »

Au cours des années précédant le transfert, la date butoir a toujours été le 31 décembre 2020. Mais personne n’avait anticipé la pandémie…

« Quand la pandémie a frappé et que nous avons dû fermer les usines, nous avons mis le plan en standby », se remémore Barbara. « Nous sommes passés en mode survie, et nous avons veillé à la sécurité de chacun. Au fur et à mesure que l’année avançait, nous nous sommes rendu compte que le monde se tournait vers la musique ; ça nous a incités à reprendre nos efforts. En gros, c’est en septembre passé que nous avons pris la décision : “Allez, on se lance”. Et nous avons compressé un projet d’un an sur une période de quatre mois [de septembre au 31 décembre], car nous nous sommes dit : “Et si on commençait l’année 2021 sur une note incroyablement positive pour tous nos employés, nos revendeurs et nos clients ?” ».

Les employés du site de production Taylor de Tecate, Basse-Californie, Mexique, participeront au plan d’ESOP basé aux États-Unis de Taylor. Cet arrangement est le premier de ce genre dans le monde des ESOP : il crée un nouveau paradigme, auquel d’autres entreprises se conformeront peut-être.

 « L’actionnariat des salariés, c’est une option géniale pour nous : cela signifie que notre principal objectif – construire des instruments exceptionnels à l’intention des musiciens – pourra perdurer dans le temps. »

Andy Powers

Les employés du Royaume-Uni et de l’Union européenne participeront à un plan similaire (plan mondial d’actionnariat des salariés ; GESOP, Global Employee Stock Ownership Plan), soumis aux réglementations de l’UE.

Nate Shivers, directeur des ventes Europe, Moyen-Orient et Afrique de Taylor, habite et travaille à Amsterdam. Il signale que les programmes de type ESOP ne sont pas chose courante en Europe.

« Le fait que Taylor ait tout fait pour appliquer les mêmes principes de base à nos employés européens a été une immense surprise pour eux », indique-t-il. « Notre équipe a vraiment été impressionnée par l’implication de Taylor à son égard. »

Un vent de soulagement a également soufflé sur le personnel, poursuit Nate. En effet, certains employés se posaient des questions sur l’avenir de Taylor une fois que Bob et Kurt ne seraient plus propriétaires.

« Nous pensions qu’il était possible que l’on se réveille un jour et que Taylor soit alors la propriété d’un concurrent ou d’une banque », admet-il. « La voie choisie par Bob, Kurt et Andy a vraiment fait grande impression sur ce groupe. »

Une autre facette du développement durable

Ces dernières années, nous vous avons beaucoup parlé des efforts constants de Taylor pour devenir une entreprise plus pérenne. Dans la plupart des cas, nos initiatives se sont concentrées sur une gouvernance responsable des ressources naturelles dont nous nous servons, en investissant en l’avenir par l’intermédiaire de projets tels que la plantation d’ébènes ou de koa, le surcyclage et la replantation d’arbres en milieu urbain, ou d’autres pratiques visant à réduire le gaspillage. Du point de vue de Bob, Kurt et Andy, ce même schéma de pensée s’applique ici : l’entreprise investit en son personnel et en sa culture d’entreprise via l’actionnariat des employés. Et ces deux concepts s’harmonisent plutôt bien. Bob recourt souvent à l’exemple des acajous plantés par les missionnaires britanniques aux îles Fidji il y a un siècle de cela, qui ont donné du bois avec lequel Taylor a fabriqué des guitares.

« Ce n’est pas génial de se dire que dans une centaine d’années, les artisans Taylor pourraient fabriquer des guitares avec l’ébène, le koa et d’autres espèces de bois que nous sommes en train de planter ? », interroge Bob.

De plus, comme le signale Barbara Wight, faire de la musique est une forme essentielle et durable d’expression humaine ; les entreprises fabriquant des instruments de musique peuvent perdurer pendant des générations.

« Zildjian a été fondée au XVIIe siècle, Martin en 1833… Il n’est pas rare que des entreprises œuvrant dans l’univers de la musique soient centenaires », avance-t-elle. « Ces entreprises-là ont tenu le coup en étant transmises entre membres d’une même famille. Dans notre cas, c’est grâce à nos employés que la marque perdurera. C’est vraiment formidable. »

Barbara Wright, directrice financière de Taylor, nous raconte pourquoi l’actionnariat des salariés a tant de sens pour les employés et pour la croissance continue de l’entreprise.

Pourquoi l’actionnariat des employés est-il une bonne nouvelle pour les musiciens ?

Si vous appréciez déjà nos guitares et les valeurs de notre entreprise (ou simplement si vous aimez les guitares en général), le plan de Taylor pour l’avenir devrait vous réjouir. Toutefois, cette annonce est également une excellente nouvelle pour nos clients présents et futurs.

Cela fait des décennies que Dave Pelletier, directeur des ventes Taylor, travaille dans l’univers de la musique, qu’il s’agisse de la partie revente ou de celle de la fabrication. Il comprend la nature « gagnant-gagnant » de l’actionnariat des employés Taylor par rapport aux clients.

« La manière dont une entreprise traite ses employés, tout comme ses clients, en dit long sur elle », déclare-t-il. « Pour une entreprise, l’actionnariat des employés permet de passer de la parole aux actes. Cela fait écho chez nos clients, et les attire vers notre marque. On le voit déjà. Cela leur garantit également la continuité de notre culture et de la manière dont nous poursuivrons nos activités à l’avenir. C’est un gage de la qualité que leur argent durement gagné leur permettra de s’offrir. D’un point de vue personnel, en tant qu’individus chez Taylor, nous réfléchissons plus globalement à l’impact de nos actions, en nous demandant “Est-ce que cette action sera bénéfique à tous ? Et à nos clients, au final ?” ».

Dave Pelletier et Steve Thierault de Taylor expliquent comment l’actionnariat des employés aura des avantages pour les clients, les revendeurs et les fournisseurs de l’entreprise.

Des employés actionnaires pour des clients heureux

Les données provenant d’entreprises répondant à une structure d’ESOP pointent vers une meilleure productivité, des réussites commerciales et une plus grande satisfaction, tant chez les employés que chez les clients. Selon le National Center for Employee Ownership (NCEO ; Centre national pour l’actionnariat des employés), une organisation à but non lucratif, les entreprises en ESOP ou autres plans d’actionnariat à l’échelle des salariés représentent plus de la moitié des entrées de la liste « 100 meilleures entreprises pour lesquelles travailler en Amérique » du magazine Fortune.

Alex Moss, fondateur et président de l’agence Praxis Consulting Group, ancien membre du comité de direction du NCEO, était l’un des principaux membres de l’équipe consultative de l’ESOP Taylor. Nous lui avons demandé son avis sur le transfert de propriété de Taylor, en particulier par rapport à ses clients.

Vous avez aidé un grand nombre d’entreprises à passer à l’actionnariat des employés ; selon vous, qu’est-ce qui se distingue dans les efforts de Taylor ?

Ce qui m’interpelle, c’est l’harmonie concernant les valeurs de l’entreprise, qu’il s’agisse de toutes les petites décisions concernant la mise en place de l’ESOP ou de la propriété partagée d’une manière qui fait écho à la vision première de Bob et Kurt. Cela place l’entreprise dans une position qui lui permet – selon leurs propres mots – « d’apporter le bonheur de la musique » aux communautés qu’elle sert. Le transfert de propriété vers un ESOP est une grosse opération : c’est un procédé complexe et délicat. La façon dont ils l’ont fait, en renforçant constamment la vision de Taylor, a été vraiment impressionnante.

Pour quelle raison l’actionnariat des employés est-il une bonne chose pour les clients d’une entreprise ?

Ce qui intéresse principalement les clients, c’est que l’entreprise réponde à leurs besoins. Ces clients s’impliquent également à leur manière envers leur communauté ou, dans le cas des artistes, s’engagent à faire de la musique pour pouvoir la transmettre. L’actionnariat des employés chez Taylor est une excellente chose pour les clients, car il répond à tous ces critères. Les employés Taylor qui ont toujours conçu et construit de superbes guitares sont à présent encore plus ancrés dans l’entreprise, et récompensés pour leur travail : créer des instruments incroyables et offrir un service hors du commun. Cela renforce directement les désirs du client, et constitue pour les employés/propriétaires une raison inédite et puissante de continuer sur cette voie. Dans le même temps, les clients voient que Taylor se plie en quatre pour prendre soin de ses employés, et nombre d’entre eux admirent tout simplement les sociétés qui font ce genre de choses. Cela s’harmonise avec la manière dont ils veulent faire des affaires. Ils sont fiers d’avoir des partenaires commerciaux comme Taylor. On peut être distraits par les rouages de l’actionnariat, mais ce qui compte vraiment, c’est de faire encore mieux pour nouer des liens entre les humains.

Existe-t-il une corrélation entre l’épanouissement des employés et la satisfaction des clients ?

L’actionnariat des employés est particulièrement adapté dans une entreprise au sein de laquelle la manière de travailler des employés impacte le produit final ; cela en affecte directement la qualité. Les employés Taylor ont chaque jour des tâches ardues à mener à bien ; tout le monde n’en est pas capable. Tout ce que Taylor peut faire pour aider ses employés/propriétaires à se sentir encore plus concernés par leur travail les aidera directement à fournir un travail de qualité et à grande valeur ajoutée ; ainsi, les clients demeureront satisfaits. Bien sûr, ce n’est pas l’ESOP qui crée cet état d’esprit : Bob et Kurt, et à présent Andy, et quiconque s’est joint à eux pour bâtir l’entreprise, méritent notre gratitude. L’actionnariat des employés protège cette culture, la met en lumière, la renforce et nous donne à tous une manière de voir comment les réussites de chacun y sont toutes liées. C’est assez simple : quand les employés/propriétaires sont satisfaits sur le plan professionnel, ils travaillent mieux, et cela se traduit par de meilleurs résultats à l’échelle du client.

Préserver notre passion pour la conception des guitares

De son point de vue de luthier en chef chez Taylor, Andy Powers est extrêmement satisfait de savoir que l’actionnariat des employés permettra à l’entreprise de continuer à tendre vers son objectif commun : servir les musiciens pour les années à venir. Andy s’est immergé dans l’histoire du design des instruments de musique. Il a étudié l’évolution des autres entreprises opérant depuis des générations et ayant fait l’expérience d’un transfert de propriété. Il reconnaît l’opportunité unique et les valeurs que Taylor peut offrir aux musiciens à l’avenir :

« Quand une entreprise change de mains après le départ du fondateur, on court le risque de voir l’objectif principal dévier de son but original : au lieu de proposer un excellent produit à ses clients, on cherche à faire du profit, parfois pour payer ses dettes », se désole-t-il. « De perçus comme des personnes servies par l’entreprise, les clients peuvent devenir des personnes dont l’entreprise se sert. Lorsque cela se produit, ce changement d’attitude érode la philosophie sur laquelle l’entreprise a été bâtie au départ. »

« L’actionnariat des salariés, c’est une option géniale pour nous : cela signifie que notre principal objectif – construire des instruments exceptionnels à l’intention des musiciens – pourra perdurer dans le temps » ajoute-t-il. « Taylor pourra continuer à s’impliquer aux côtés des musiciens, tout en offrant son soutien à ses employés, ses fournisseurs et ses ressources en bois. Un groupe n’est pas exclu pour en favoriser un autre. Selon moi, c’est la meilleure option qui soit pour qu’une marque de guitares puisse poursuivre son but : fabriquer des instruments d’exception. »

Andy Powers explique de quelle manière l’actionnariat des employés va permettre de préserver la culture de la créativité propre à Taylor.

La réaction des prestataires, revendeurs et autres partenaires principaux de Taylor a été unanime et positive. Pour notre équipe de direction, il était important de veiller à ce qu’aucun changement n’ait lieu en termes de fonctionnement, de direction supérieure ou de production à la suite de ce transfert de propriété. Bob et Kurt continueraient à assurer la gouvernance de l’entreprise. Non seulement cela était un message de continuité sans heurts, mais il a permis de démystifier toute spéculation à propos de l’avenir de Taylor, et ainsi de rassurer beaucoup de nos employés.

Il s’agit également d’un exemple : d’autres entreprises à la culture créative pourraient s’orienter vers la voie de la réussite continue après un transfert de propriété.

Meng Ru Kuok, co-fondateur et P.-D. G. de BandLab Technologies, et P.-D. G. de Swee Lee Music, notre canal de distribution partenaire à Singapour, en Malaisie et en Indonésie, a envoyé un message de félicitations à Kurt : « Vous êtes une source d’inspiration, vous nous montrez comment bien faire les choses dans notre univers. Nous sommes fiers d’être vos partenaires, et je ne peux qu’espérer être en mesure de faire de même pour mon équipe dans quelques années. »

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