Bob Taylor seated on stack of mahogany wood

Le billet de Bob

Épopée guitaristique

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Alors que Taylor célèbre sa 50e année d’activité, Bob se remémore différentes phases de l’évolution de l’entreprise.

Taylor Guitars est née le 15 octobre 1974. Il me reste encore les trois quarts d’une année avant de pouvoir célébrer officiellement le 50e anniversaire de la marque, mais j’ai bien l’intention de porter un toast ce jour-là ! Quoi qu’il en soit, nous sommes dans notre 50e année d’activité, et je ne peux pas m’empêcher de revenir sur tout ce que nous avons traversé. On m’a récemment dit que quand Fender souffla sa 50e bougie, Leo Fender était décédé depuis 29 ans. Eh bien moi, je suis toujours là et je m’accroche ! J’ai le bonheur de vivre une passion et une carrière extrêmement enrichissantes, et je ne jalouse personne.

Quand je repense aux chapitres qui nous ont permis d’écrire le livre de ces 50 dernières années, je me dis que tous renferment un petit morceau d’histoire. Les premières années où j’éprouvais de la satisfaction à travailler jour et nuit de mes mains, développant mes compétences de luthier, et apprenant à quel point c’était difficile de bien faire les choses. Vivre une période où nous n’étions pas connus et où nous ne parvenions pas à vendre suffisamment de guitares pour faire tourner la boutique. Monter nos premiers stands sur les salons professionnels, être super enthousiastes à l’idée de présenter nos instruments, ces merveilleux effluves de catalogues en couleurs fraîchement imprimés qui nous coûtèrent jusqu’à notre dernier centime, et l’odeur des nouveaux tapis dans les allées… Construire la plus petite des usines, et l’enrichir en outils et en artisans. Former des gens à fabriquer un manche, former une caisse de guitare, appliquer une belle finition. Les frettes, insérées sur les touches à coups de marteau, les blocs de ponçage et les limes…

Les choses devinrent plus faciles à mesure que l’usine et l’équipe évoluaient en termes de capacités. Puis la réalité nous heurta de plein fouet : l’approvisionnement en bois que nous employions fut restreint, et de plus en plus d’espèces furent régulées chaque année. Des mots comme « développement durable » commencèrent à avoir un vrai sens, non seulement pour le long terme mais aussi sur l’avenir proche. Alors que tout cela se concrétisait dans mon esprit, nos guitares continuèrent d’évoluer, au fur à et mesure que nous enrichissions notre gamme de formes, de styles et d’identités uniques. Même si nous nous lançâmes plus tard que nos concurrents, nous eûmes la fierté de voir que nos guitares étaient uniques, que ce soit en termes de style, de son ou des sensations qu’elles offraient ; elles ne copiaient pas les autres marques. Nous étions Taylor Guitars ; nous ne plagiions pas la concurrence. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple à accomplir, mais nous y parvînmes, lentement mais sûrement.

Notre production augmenta. Nous commençâmes à représenter une part importante du marché. Nous avions nos détracteurs ! Vous savez que vous avez un certain impact quand certaines personnes critiquent pratiquement tout ce que vous faites, dites, vendez ou pensez. D’un autre côté… Nous avions nos amateurs, des gens qui aimaient nos modèles. Dans les faits, les chiffres indiquaient qu’un peu plus de 40 % des acheteurs de guitares votaient pour nous… avec leur portefeuille. Malgré tout, les dires de nos détracteurs m’affectaient profondément, même si notre réussite était avérée.

Le jour redouté finit par arriver : il nous fallut déployer davantage d’efforts concernant la provenance et la façon dont notre bois nous parvenait. Dans certains cas, cela n’était pas un problème, car nous travaillions avec nos amis de Pacific Rim Tonewoods dans l’État de Washington, ou Gemwood en Inde, ou encore Madinter en Espagne. Dans d’autres cas… Il était préférable de nous impliquer davantage, au point de nouer des partenariats là où nous le pouvions : nous le fîmes donc pour l’ébène et le koa. Nous collaborâmes ainsi avec Madinter pour l’ébène au Cameroun et Pacific Rim Tonewoods pour le koa à Hawaï. Quelles bonnes décisions nous prîmes ! Puis vint la société West Coast Arborists, qui nous permit de récupérer des arbres urbains en fin de vie en Californie, avec lesquels nous fabriquâmes des milliers de guitares.

Nous avons eu la fierté de voir que nos guitares étaient uniques, que ce soit en termes de style, de son ou des sensations qu’elles offraient ; elles ne copiaient pas les autres marques.

Andy Powers nous rejoignit ensuite en tant que maître-luthier en chef. Lui aussi, il a ses détracteurs. Je me sens mieux ! Mais là encore, des gens apprécient son travail. Nous avons noué un bon partenariat avec lui – au sens littéral – en lui proposant des actions dans l’entreprise : c’était la première fois que Kurt et moi intégrions un autre partenaire dans la propriété de Taylor.

Il y eût aussi le jour où l’entreprise devint intégralement détenue par ses employés ; nous voulions que Taylor Guitars demeure aussi proche que possible de ce qu’elle était (et est) devenue en vue de l’avenir, alors que Kurt et moi prenions de l’âge. Le temps finit toujours par gagner, il ne faut pas se voiler la face. C’est dans cette optique que nous envisageâmes cette éventualité. Par la suite, nous nommâmes Andy Président et Directeur général. Oui, nous avons apporté des changements, mais nous essayons de faire au mieux à chaque fois.

Cinquante années de changements. Des usines aux États-Unis et au Mexique, notre propre réseau de distribution dans le monde entier ou presque, des exploitations de bois au Cameroun et à Hawaï… Des revenus dans plus de pays et d’États que je ne peux en citer. Lois, réglementations, employés, cultures, langues… Pour ceux d’entre vous qui lisent ces lignes, peut-être ne savez-vous pas que nous imprimons notre guide produits Wood&Steel en six langues.

Au cours de ces 50 années, Taylor Guitars a traversé les époques, tout du moins c’est comme cela que je l’envisage quand je repense à nos expériences. C’est vraiment quelque chose qui me touche. C’est une véritable leçon d’humilité de savoir que vous lisez ceci parce que vous aimez nos guitares et que vous vous intéressez à notre entreprise. Bien sûr, l’essentiel de tout ça, c’est la guitare et vous, le guitariste. C’est le cœur de notre activité.

En un peu plus de mille mots, vous avez lu nos 50 ans d’histoire. Si vous voulez en savoir plus, Kurt et moi avons enregistré des podcasts où nous vous racontons notre histoire commune. Nous les publierons cette année, par épisodes. Nous abordons les détails. Nous nous remémorons le passé. Nous vous narrons quelques anecdotes sympathiques que même moi, j’ai plaisir à entendre ! Si cela pique votre curiosité, jetez-y une oreille.

Merci pour ces 50 années !

Bob Taylor seated on stack of mahogany wood

Le billet de Bob

Le premier signe de mon destin

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Bob se remémore son ami d’enfance Mike Broward, qui contribua à allumer la flamme de sa passion pour les guitares.

Ces derniers temps, j’ai réfléchi. Il semble que la vie soit une succession de petits signes vous mettant sur la voie de votre destin. Je suis également convaincu que quand vous y repensez, vous vous souvenez clairement des plus essentiels d’entre eux. Il y a un mois, un signe important de mon destin a disparu. J’y ai souvent repensé depuis. Ou plutôt, j’ai souvent repensé à lui.

Mike Broward.

Voici quelques questions que l’on me pose tout le temps : ”Bob, quand avez-vous su que vous alliez fabriquer des guitares ? ” ”Quand avez-vous vraiment percé ? ” ”Quel a été l’élément déclencheur qui a tout changé ? ” ”Avez-vous toujours su que Taylor Guitars allait rencontrer un tel succès ? ”

Je réponds toujours “Je ne sais pas ”. Je ne me suis jamais dit que “c’était le jour où tout a commencé ” ou “c’était le jour où tout a basculé ”. Cela a toujours été une progression ; j’ai souvent eu l’impression que ça ressemblait même à une régression, ou tout du moins à des progrès à reculons, si l’on peut dire.

J’essayais toujours de citer une anecdote marquante aux journalistes, quelque chose qu’ils étaient avides d’entendre et de relayer dans leurs articles. J’ai fini par arrêter de donner de l’importance à des événements qui n’en avaient pas tant que ça. Toutefois, il me fallait trouver le moyen de ne pas paraître impoli ou inintéressant ; je mettais alors en évidence les signes majeurs de mon destin : des coups de pouce qui nous ont aidés à avancer d’une manière ou d’une autre. J’ai récemment réalisé que Mike Broward avait été le tout premier signe de mon destin. En effet, sans lui, il y a de fortes chances que Taylor Guitars n’ait jamais vu le jour.

Quand j’étais en CE2, âgé d’environ 8 ans, il y avait un gamin qui jouait de la guitare de l’autre côté de ma rue. Il s’appelait Mike. Il se tenait dans son garage, face à la rue. Il avait une guitare électrique et un ampli avec un micro branché dessus, et il jouait et chantait en direction de la rue. Je pense qu’il devait avoir 11 ou 12 ans à l’époque. Il était sans doute plus vieux que moi. Je me souviens des chansons qu’il jouait. Des morceaux de la mouvance surf. Un peu de rock’n’roll britannique du début des années 1960 — “Mrs. Brown, you’ve got a lovely daughter ”, chantait-il en imitant un accent anglais. Je le regardais aussi longtemps qu’il jouait, ou jusqu’à ce que mon père m’appelle pour le dîner.

Je lui rachetai une guitare acoustique bien fatiguée pour trois dollars, et il m’apprit à jouer “Green Onions ”. Des notes uniques. Pas d’accords. Cela vint plus tard, quand il m’enseigna ceux de “Michael, Row the Boat Ashore ”.

Cette guitare me fascinait tellement. Comment avait-elle été construite ? Il fallait que je sache. Elle avait un filet peint, que j’ai poncé et repeint. Il ne me fallut pas longtemps avant de scier le manche pour le garder en prévision de la guitare électrique que je voulais construire, comme celle de Mike. Cette tentative s’est soldée par un échec.

Mike était un bon copain d’enfance qui a fait germer en moi cet amour des guitares ; croyez-moi, peut-être n’aurais-je pas eu cette révélation à un autre endroit ou à un autre moment. Quand j’y pense, cette guitare à trois dollars était suffisamment bon marché pour que je n’aie aucun problème à la poncer, à la peindre et même à en scier le manche. Et si ça avait été une bonne guitare ? Ma vie aurait pu être très différente.

Sans Mike, il y a de fortes chances que Taylor Guitars n’ait jamais vu le jour.

J’ai déménagé dans un autre quartier après avoir côtoyé Mike pendant deux ans. Cela faisait 20 ans que j’avais monté mon entreprise quand nous avons repris contact. Après cela, au cours de ces 30 dernières années, nous nous écrivions, nous nous saluions, nous essayions de nous voir.

Mike n’a jamais cessé de jouer de la guitare. Il a été musicien et chanteur professionnel toute sa vie, jusqu’à sa mort. Il a composé et interprété des morceaux célébrant les vacances, la plage, le week-end. Et il était bon. Sa guitare acoustique était une Taylor, et j’en étais fier. Il nous a quittés en toute quiétude : il est tombé malade et est mort quelques semaines plus tard, au grand dam de tout le monde.

Merci, Mike Broward, d’avoir représenté un signe du destin aussi important et positif pour moi. Bien que je vous aie déjà plusieurs fois parlé de lui, ce n’est qu’à présent que je me rends compte de l’influence qu’il a eue sur ma vie. Avec le décès de Jimmy Buffet seulement quelques semaines après celui de Mike, nous avons perdu deux Parrot Heads. Je les aimais tous les deux ; ils nous ont fait don d’excellentes chansons. Toutefois, Mike m’a apporté un petit quelque chose en plus.

Le billet de Bob

La croissance a du bon

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Il faut parfois des années pour cultiver des choses de valeur, que ce soit une guitare ou un arbre.

Je ne peux m’empêcher de vous parler un peu de la nouvelle guitare électrique d’Andy, qu’il a baptisée Powers Electric. C’est un instrument fabuleux ; dans ce numéro, Kurt et Andy vous en disent un peu plus, et vous trouverez un article de notre rédacteur, Jim Kirlin, à son sujet. C’est amusant d’entendre l’avis de tout le monde sur la création de ce modèle. Bien évidemment, c’est le point de vue d’Andy qui importe le plus, car il s’agit de sa guitare et de toutes les idées qu’il méditait depuis des années. Lorsqu’il s’agit de choses que nous ne pouvons pas acheter, Andy est un peu comme moi. Andy ne pouvait pas acheter la guitare qu’il voulait… Il l’a donc construite. Ce qui est sympa, c’est que VOUS, vous allez aussi pouvoir l’acquérir ! Certes, peut-être pas tous, ni tout de suite, car elle ne sera au départ fabriquée qu’en petit nombre.

J’aime la façon dont Kurt n’est pas seulement un collègue d’Andy, mais aussi un amateur de son travail. Lui et Andy ont d’excellents rapports, et ils peuvent parler sans ambages de design, d’affaires et de marque. Ils creusent la question, et de là découlent le respect et l’admiration pour les opinions l’un de l’autre. C’est génial qu’ils puissent parler de tout, et je sais que Kurt et Andy ont beaucoup abordé les avancées futures de Powers Electric.

Lorsqu’il s’agit de choses que nous ne pouvons pas acheter, Andy est un peu comme moi.

Lorsqu’il échafaude ses idées, Andy travaille principalement seul. Chaque vendredi, il œuvre depuis son studio à domicile, où il peut avancer presque sans être dérangé. Il nous apporte ensuite le résultat de ses expériences, qu’il présente à Kurt, à moi ou à quelques autres, afin de nous faire part de ses réflexions en nous montrant une guitare, ou en en jouant. Il s’enthousiasme pour son idée, et il est appréciable de voir cette excitation se propager. J’ai tendance à fonctionner de même avec mes idées, mais presque dès le départ : j’en parle assez rapidement et souvent, le lendemain, j’ai davantage creusé l’idée, ou j’en suis complètement revenu. Andy en parle bien plus tard ; selon la personne à qui il en fait part, cela peut être quand c’est presque terminé ! Il est patient. Je peux voir les versions précoces, ce que j’apprécie.

J’ai parfois un commentaire ou une question sur un point ou un autre, et cela peut même donner des idées à Andy, qu’il prendra en considération. C’est amusant de faire partie de ce processus. C’est toujours gratifiant de voir quelque chose évoluer, partant du tout premier prototype (qui est toujours une guitare sur laquelle il est possible de jouer) pour enfin aboutir au produit sophistiqué, comme sa guitare Powers Electric.

Nous avons un dicton concernant le développement : « C’est à 90 % fini, et il reste encore 90 % à faire ! » Tel fut certainement le cas alors que j’observais Andy faire venir son équipe de machinistes, ingénieurs, artisans, finisseurs, luthiers, couturiers, graphistes et autres corps de métier en tous genres. Ces 10 derniers pour cent à accomplir, c’est comme se préparer à une course de F1 : chaque petit détail a son importance.

Nous avons un dicton concernant le développement : « C’est à 90 % fini, et il reste encore 90 % à faire ! »

Le résultat est génial, et c’est un véritable plaisir d’y prendre part. Nous progressons doucement. Ce n’est pas une course visant à atteindre un niveau de production élevé. Nous avons le luxe de pouvoir prendre notre temps.

Cependant, j’espère que nous en verrons les résultats avant que nos ébènes ne soient arrivées à maturité ! Dans ce numéro, Scott Paul revient sur notre déplacement au Cameroun en début d’année. C’était un événement que nous attendions depuis longtemps, car nous n’avions pas été en mesure de nous y rendre depuis deux ans en raison des restrictions liées aux voyages. C’était génial de retrouver Crelicam, notre scierie d’ébène, et de saluer l’ensemble de nos 50 collègues. C’est avec une grande satisfaction que nous sommes allés dans la forêt et avons retrouvé les villages locaux en charge de la plantation dans le cadre du projet. Nous avons été agréablement surpris de voir à quel point les ébènes survivent et poussent : droites, fortes et en bonne santé.

Nous avons également fait d’énormes progrès dans la plantation de divers arbres fruitiers aux côtés de l’ébène ; il s’agissait d’une promesse, qui s’est révélée plus difficile à tenir que celle de la plantation d’ébènes. Nous n’aurions jamais pensé cela au départ ; en effet, planter des ébènes était un mystère pour nous, car personne ne l’avait jamais fait de manière aussi significative auparavant. C’était gratifiant de voir les progrès et de réaliser que même pendant la pandémie, notre projet a poursuivi sa lancée et a prospéré : en effet, notre talent est là, au Cameroun, et ne dépend de personne d’autre que nous. Ce seul fait a entraîné la mise en œuvre d’autres projets remarqués dans cette région.

Même pendant la pandémie, notre projet a poursuivi sa lancée et a prospéré : en effet, notre talent est là, au Cameroun, et ne dépend de personne d’autre que nous.

Ce que j’aime dans la version numérique de Wood&Steel, c’est la possibilité de recourir à la vidéo pour vous narrer nos histoires. Vous trouverez donc un petit clip de notre voyage là-bas. Nous vous avons également concocté une longue vidéo sur la façon dont les tables de guitare sont fabriquées chez Pacific Rim Tonewoods, notre fournisseur de longue date d’épicéa et d’érable, et notre partenaire en ce qui concerne le koa. Nous ne serions pas l’entreprise Taylor que vous connaissez sans eux. Cette vidéo est un documentaire, mais son visionnage vaut le coup si vous aimez en savoir plus sur les guitares. Puisque vous lisez Wood&Steel, je suppose que c’est le cas ! Bon visionnage. Vous allez apprendre tellement de choses.

Je tiens également à vous parler d’Andy Allo, qui nous a rejoints, Scott et moi, au Cameroun lors de ce voyage. Vous la découvrirez dans la vidéo (d’autres infos à venir). C’est une musicienne et une actrice formidable. Elle joue dans la série Amazon Upload, que j’ai vraiment appréciée ; cela sera peut-être aussi votre cas ! J’ai emmené beaucoup de gens au Cameroun, mais avec elle, tout était facile. Ce que je veux dire, c’est qu’elle y a grandi, je n’ai rien eu à lui expliquer ! Elle a dépoussiéré le français qu’elle n’avait pas utilisé depuis longtemps et m’a interprété ce que les gens disaient, ce qui m’est toujours d’une grande aide. Ce fut un plaisir d’apprendre à la connaître. Si vous regardez Upload, vous remarquerez qu’elle sourit quand elle parle. Elle a souri tout du long de notre voyage, que ce soit dans la forêt ou de retour à Yaoundé. C’était un moment magique.

Le billet de Bob

Quand l’impatience est une qualité

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Après avoir consacré cinq décennies à l’univers de la guitare, Bob a appris que s’il vaut parfois la peine d’attendre certaines choses, la réactivité et l’urgence sont les principaux moteurs de l’innovation.

J’écris ces mots au début de l’année 2023. Si je prends en compte l’année que j’ai passée chez American Dream, où je travaillais à l’âge de 18 ans avant que Kurt et moi ne lancions Taylor Guitars quand j’avais 19 ans, voilà presque un demi-siècle que je parviens à éviter de chercher un emploi ! Vous ne pouvez pas imaginer la reconnaissance que j’éprouve.

Cette carrière, bien qu’elle m’ait éreinté par moments, causé bien des soucis à d’autres et obligé à vivre dans la misère pendant les 10 premières années, a aussi été une source de joie dans ma vie. Il est difficile de décrire à quel point je me sens chez moi chez Taylor Guitars, et à dans quelle mesure chaque année qui passe pique toujours autant mon intérêt.

En parlant de l’American Dream : notre série comporte de nouveaux modèles que vous découvrirez dans ce numéro. Petite anecdote : quand Kurt et moi avons racheté la boutique American Dream en 1974, nous avons découvert un problème… Une fois la vente signée. Nous n’allions pas être en mesure de conserver le nom. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons choisi « Taylor », mais nous adorions le nom « American Dream Guitars ». Quelle déception, le premier jour, d’apprendre que nous ne pouvions pas l’utiliser !

Toutefois, de l’eau a coulé sous les ponts, ce nom a fini par redevenir disponible et nous l’avons déposé, longtemps après l’arrivée de Taylor sur la scène des luthiers. Pour conserver ce nom, il nous fallait fabriquer de temps en temps quelques guitares estampillées American Dream ; je crois que l’intervalle était de 10 ans entre chaque production. C’est ce que nous avons fait.

Au fil des années, nous avons été trop patients envers des choses que nous aurions pu améliorer plus rapidement : cela me déplaisait.

Pendant la pandémie de COVID, alors que les fournitures se faisaient plus rares, que les ventes étaient incertaines et que notre usine de Tecate était fermée, l’occasion parfaite pour dépoussiérer ce nom et lui laisser vivre sa vie s’est présentée. C’est ainsi que la série American Dream de Taylor a vu le jour. Cela a un sens pour Kurt et moi. Je suis heureux d’employer ce nom ; je suis heureux que cela se soit fait naturellement. J’aime la légitimité du design de cette série, qui présente un excellent rapport qualité/prix. C’est incroyable de voir dans quelle mesure tout vient à point à qui sait attendre.

Toutefois, il faut savoir quand être patient. Au fil des années, nous avons été trop patients envers des choses que nous aurions pu améliorer plus rapidement : cela me déplaisait. J’étais content quand un besoin se présentait et que nous sautions sur l’occasion d’apporter une amélioration, une innovation, voire même une invention pure et simple, tout bonnement parce qu’il fallait le faire et que nous n’allions pas attendre davantage. C’est ainsi que nous avons repensé nos manches pour les rendre plus droits et plus fonctionnels. De même, nous avons dû réagir et littéralement inventer des procédés pour créer les premières acoustiques dotées d’une finition photopolymérisée aux UV qui fonctionnait mieux tout en répondant aux normes californiennes très strictes en matière d’émissions. Si nous avions attendu, la patience aurait été notre ennemie. Quid de la plantation d’arbres ? Je suis ravi qu’on s’y soit attelé. Nous plantons avec impatience, puis nous attendons patiemment.

Je suis enchanté de toutes les inventions et innovations qu’Andy a apportées, qu’il s’agisse de modifications subtiles ou d’inventions telles que le barrage V-Class, en passant par les modèles Builder’s Edition, aux contours raffinés et ergonomiques – en particulier ceux dotés d’un pan coupé profilé –, très difficiles à concrétiser en production.

J’aimerais que vous puissiez voir une partie de ce sur quoi Andy travaille jour après jour, les choses en cours de développement actuellement. C’est passionnant ! Il a d’excellentes idées, et je suis enthousiaste quant à ce qui nous attend. De plus, il a toute une équipe de personnes qui peuvent l’aider à mettre ses designs en production. C’est ce que j’appelle « industrialiser » l’idée. J’adore choisir une idée et élaborer la méthode de fabrication de manière à ce que l’instrument soit réalisé efficacement et en volume suffisant pour être facilement proposé aux musiciens. Je dois dire que c’est un véritable plaisir de regarder notre équipe d’ingénierie et d’outillage collaborer avec Andy pour donner vie à ces designs. Nos artisans prennent ensuite la relève, apprenant rapidement de nouvelles compétences dans la joie et la bonne humeur.

J’ai hâte de vivre cette nouvelle année dans l’univers de la lutherie. Ce travail n’a jamais été ennuyeux, ni stationnaire, ni facile. Mais il a été profondément gratifiant, et c’est quelque chose pour lequel je suis très reconnaissant.

Le billet de Bob

Andy passe en tête

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Bob revient sur son nouveau rôle de soutien alors qu’Andy reprend les rênes de l’entreprise.

Eh bien, me voilà, encore un peu plus en retrait de la couverture de Wood&Steel. Mon cher ami Jesus Jurado vit à Tijuana ; il me rejoint en Basse-Californie à bord de son Land Cruiser pour découvrir cet État et y camper. Il y a quelques années, il a quitté Taylor Guitars pour prendre sa retraite. Comme il le dit : « Nous devons laisser la place aux plus jeunes. » Je suis heureux de le faire. Andy Powers est en train de prendre ma place, et je la lui cède avec plaisir. C’est à présent lui qui sera en couverture ; ce sont ses réflexions que vous lirez, non seulement en tant que luthier en chef, mais aussi comme président-directeur général.

J’entends de plus en plus parler de qualité du sommeil, de la façon dont nous devons savoir si nous dormons correctement et suffisamment. Tout le monde voulait que j’aille voir un spécialiste du sommeil, alors je l’ai fait. Je ne dors pas beaucoup, seulement cinq ou six heures par nuit, et cela fait des décennies que ça dure. Je pensais que je dormais assez, mais mon entourage m’a fait douter ! Bref, le médecin est arrivé et m’a demandé pour quelle raison j’étais là. Je lui ai dit ce que je venais de vous dire. J’ai fini par conclure en ces mots : « Je veux juste savoir si je dors quand je suis endormi ! » Il a ri, m’a dit que c’était une bonne façon de voir les choses et m’a informé qu’il avait les moyens de m’aider à le savoir.

Cette petite phrase m’a donné une idée pour vous décrire une partie de la personnalité d’Andy. La voici : Andy réfléchit quand il pense. Nombre de gens pensent, mais réfléchissent-ils, envisagent-ils la question sous tous les angles, parviennent-ils à se forger une opinion qui semble correcte ? Quand ils ont fini de penser, proposent-ils une marche à suivre ? Il est évident que de nombreuses personnes n’ont pas une réflexion de qualité. Toutefois, Andy réfléchit bien, très bien, même.

Je ne connais aucun autre grand fabricant de guitares dont le président-directeur général soit aussi son luthier en chef.

Nous en sommes tous conscients chez Taylor Guitars, et c’est pour cette raison que nous sommes ravis de voir Andy occuper les postes de directeur général et de président, fonctions que nous occupions respectivement Kurt et moi. Je sais qu’ici, tout le monde est heureux et confiant quant à cette évolution. Je me suis dit que vous aimeriez avoir mon avis, pour ainsi vous joindre à nous et accueillir Andy à ce poste. Je ne connais aucun autre grand fabricant de guitares dont le président-directeur général soit aussi son luthier en chef. Pour Taylor Guitars et nos clients, cela signifie que le commerce et la fabrication de guitares resteront intimement liés, comme cela a été le cas ces 48 dernières années. C’est parfait. Andy ne sacrifiera pas une activité au détriment de l’autre. Nous le savons, et je voulais vous en faire part.

Quant à moi, je suis toujours là, presque tous les jours. Oui, à 67 ans, je peux à présent prendre un peu plus de temps pour moi. J’ai encore beaucoup à offrir, mais le mieux que je puisse faire, c’est de prendre du recul et laisser la place aux autres. J’ai l’immense privilège d’être conseiller, de participer aux réflexions, voire parfois même de diriger un projet. Il me reste encore beaucoup de tâches significatives ou agréables à faire ici… Des choses que je peux faire pour faciliter le cheminement d’Andy et aider les employés-propriétaires à étayer l’entreprise. Pour la majeure partie des choses, Andy semble avoir confiance en mes capacités à travailler indépendamment sans faire trop de bêtises ! J’adore donner un coup de main. Je connais bien le campus, et j’y ai même repéré quelques raccourcis.

Plus sérieusement : quand j’ai embauché Andy il y a 11 ans, j’ai dit aux gens que je vivais pour le regarder prendre son envol. C’est aujourd’hui toujours le cas, et je ne vois pas ce que je pourrai faire de mieux pour les années à venir.

Félicitations pour tes nouvelles responsabilités, Andy. Tu peux compter sur mon aide et mon soutien!

Le billet de Bob

Planter des arbres à guitares

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Bob revient sur les efforts actuellement déployés à Hawaï pour la culture du koa, un arbre qui sera ultérieurement destiné à la fabrication de guitares.

Eh bien, me voilà, encore un peu plus en retrait de la couverture de Wood&Steel. Mon cher ami Jesus Jurado vit à Tijuana ; il me rejoint en Basse-Californie à bord de son Land Cruiser pour découvrir cet État et y camper. Il y a quelques années, il a quitté Taylor Guitars pour prendre sa retraite. Comme il le dit : « Nous devons laisser la place aux plus jeunes. » Je suis heureux de le faire. Andy Powers est en train de prendre ma place, et je la lui cède avec plaisir. C’est à présent lui qui sera en couverture ; ce sont ses réflexions que vous lirez, non seulement en tant que luthier en chef, mais aussi comme président-directeur général.

La simple idée de recourir à de l’ébène striée de marron a permis d’ouvrir la voie à un mode de vie prenant en compte les réalités de la forêt, même lorsqu’il s’agit d’autres espèces de bois. Regardons ce qui nous attend à l’avenir : aujourd’hui, nous vivons probablement à une époque où il est encore très facile de s’approvisionner correctement en bois de lutherie. Je vous dis cela car ça sera plus difficile demain : c’est un postulat de départ. À encore plus long terme, cela se complexifiera encore. Pourtant, les guitaristes d’aujourd’hui contribuent à atténuer ce phénomène ; en effet, ils sont davantage sensibilisés aux changements qui ont eu lieu entre hier et aujourd’hui, et ils acceptent davantage de différences cosmétiques.

Le koa pourrait bien être l’exception actuelle quant aux difficultés qu’amènera l’avenir en matière de bois de qualité. Dans cette édition de Wood&Steel, nous allons non seulement vous présenter notre nouvelle série 700, fabriquée à partir de koa, mais également Siglo Tonewoods via un excellent article de notre rédacteur Jim Kirlin. Siglo Tonewoods a été cofondée par Pacific Rim Tonewoods et Taylor Guitars il y a près de sept ans. Nous avons œuvré pendant tout ce temps, et nous avons des choses à vous raconter !

De votre côté, vous voyez des bois sympas sur des guitares exposées dans des boutiques, et ça nous plaît. Mais de notre côté, c’est une opération assez stratégique que de trouver du bois à abattre tout en remédiant à la crainte de tout couper et de n’avoir plus rien. Que faire, alors ? Jouer les étonnés et se demander comment tout ça a pu arriver ? Cela s’est produit avec tant d’autres espèces… Toutefois, nous avons de très fortes chances de changer le cours des choses avec le koa. Mais comment ?

C’est là que Steve McMinn entre en scène. Ça va être la phrase la plus détestée de ma rubrique si Steve la lit, car il n’aime pas être congratulé… Mais il est véritablement le seul à pouvoir constituer une équipe et permettre à ses membres de collaborer pour résoudre ce problème. Steve ne veut pas seulement planter des arbres ; il veut les faire pousser. Cultiver des spécimens de mauvaise qualité, ça n’est pas pour lui : il ne veut que de bonnes recrues. C’est exactement ce que fait l’équipe de Siglo. Steve et moi serons morts quand le monde pourra en avoir la preuve, mais nous espérons avoir de bons indices quant à la réussite et au mérite de l’initiative tout au long du processus.

Imaginez ce qu’il faut pour créer une graine qui produira toujours les tomates que vous attendez. Imaginez maintenant ce qu’il faut pour créer des graines qui génèreront des koas en bonne santé.

Imaginez que vous cultiviez un potager. Vous choisissez toutes vos graines dans un catalogue qui vous promet des résultats spécifiques, et qui vous assure qu’elles sont parfaites pour l’endroit où vous habitez. Si vous l’avez déjà fait, comme nombre d’entre nous, et même s’il s’agit d’une simple tomate : vous êtes-vous déjà demandé comment ces graines finissaient dans cette petite enveloppe, et comment le marchand pouvait vous faire des promesses sur ce qui allait pousser ? Si tel n’est pas le cas, posez-vous la question dès à présent : ce que l’on prend pour acquis ne l’a pourtant pas toujours été.

Les horticulteurs ont dû développer ces graines. Imaginez ce qu’il faut pour créer une graine donnant naissance à une pastèque sans pépin ! Ou une autre qui fait toujours pousser la tomate que vous attendez. Songez-y. Maintenant que vos méninges travaillent, imaginez ce qu’il faut pour créer des graines qui génèreront des koas en bonne santé. Au moins, avec la pastèque, vous saurez en quatre mois si vous avez réussi ou non ! Avec le koa, il faudra entre 25 et 50 ans… C’est un peu plus difficile.

Pour compliquer un peu plus les choses, pendant des centaines et des centaines d’années, les gens ont eu tendance à couper en priorité les meilleurs arbres, provoquant ainsi le déclin de la santé génétique de la forêt. Pour de nombreuses espèces, les meilleurs spécimens – et donc les meilleures graines – ont disparu depuis longtemps. Seuls les arbres de moindre qualité demeurent.

Toutefois, il existe des méthodes pour remédier au problème, ainsi que des personnes dotées de connaissances et de talents. À l’instar d’un excellent groupe n’ayant aucun mal à attirer de bons musiciens qui seraient honorés de jouer dans une telle formation, notre équipe est suffisamment talentueuse pour intéresser des personnes intelligentes, voulant l’étoffer pour contribuer à nos actions. Des talents d’exception nous ont rejoints. J’ai eu le privilège de pouvoir acquérir un superbe terrain, doté d’un excellent sol, pour que nous puissions y planter nos propres arbres. De plus, nous vendons des guitares en koa, ce qui fait tourner l’économie. Cependant, ne pensez pas que c’est moi qui sais comment développer les caractéristiques de qualité d’un arbre, puis comment prévoir, planter et prendre soin de ce qui deviendra une forêt incroyable.

Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Je suis ravi de pouvoir vous présenter Siglo Tonewoods et la Siglo Forest dans ce numéro. Steve et son équipe ont créé une excellente vidéo sur Siglo. Je suis fier du travail accompli là-bas, tout comme je suis fier d’avoir pu y participer. Je voudrais remercier l’équipe de Siglo et lui faire part de mon admiration pour ses nombreuses compétences et ses talents spécifiques. Merci à tous. Les personnes concernées se reconnaîtront.

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Le billet de Bob

Gammes de guitares

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À une époque où la demande pour des guitares explose, Bob explique pour quelle raison les capacités de production de Taylor sont bénéfiques à tout le monde.

Eh bien, me voilà, encore un peu plus en retrait de la couverture de Wood&Steel. Mon cher ami Jesus Jurado vit à Tijuana ; il me rejoint en Basse-Californie à bord de son Land Cruiser pour découvrir cet État et y camper. Il y a quelques années, il a quitté Taylor Guitars pour prendre sa retraite. Comme il le dit : « Nous devons laisser la place aux plus jeunes. » Je suis heureux de le faire. Andy Powers est en train de prendre ma place, et je la lui cède avec plaisir. C’est à présent lui qui sera en couverture ; ce sont ses réflexions que vous lirez, non seulement en tant que luthier en chef, mais aussi comme président-directeur général.

Cette augmentation de 40 000 guitares par rapport à 2019 est supérieure à la production annuelle de la plupart des grandes entreprises de guitares acoustiques. Cela n’a pas été facile. Nos revendeurs, dont les murs de la plupart des magasins étaient vides, nous ont été reconnaissants des efforts fournis et des livraisons effectuées au cours de l’année. Certains clients – bien qu’il s’agisse là d’une minorité – nous ont critiqué : ils se demandaient quand Taylor s’attellerait vraiment à la tâche et livrerait des guitares, car ils n’avaient pas réussi à en trouver malgré leur attente et leurs recherches.

Je dois admettre qu’en ce qui concerne la plupart des modèles fabriqués à Tecate, la demande est supérieure à ce que nous sommes en mesure de produire. Nous avons produit un nombre impressionnant de Baby Taylor, car nous avions le bois nous permettant de le faire. Nous avons mis en place de nouvelles ressources pour obtenir et traiter le bois destiné à nos modèles de plus grande taille, mais pour le reste, il était difficile de satisfaire la demande. Nous avons du mal à produire suffisamment de guitares, en particulier dans cette gamme de prix.

Avant de lancer notre usine de Tecate il y a plus de 20 ans de cela, cette tarification sur le marché regroupait toujours des produits provenant de pays étrangers. À cette époque, il s’agissait principalement de l’Asie. Notre volonté de créer des guitares de qualité à Tecate a rencontré un accueil très chaleureux. Nous avons l’impression d’avoir rendu service à de nombreux guitaristes. Je dois dire que quand je regarde des émissions de tremplins artistiques et que je vois de jeunes gens participer avec leur GS Mini, leur Academy, leur Big Baby ou leur série 100, et que leur guitare sonne aussi bien à la télé que n’importe quel autre modèle, c’est vraiment gratifiant. Je sais que ces musiciens n’ont pas (encore) les moyens d’acquérir les guitares plus sophistiquées, plus onéreuses, que nous ou d’autres luthiers fabriquent, mais ils n’ont pas eu à faire de compromis sur leur musique en dépensant tout leur budget dans un seul instrument.

Ce qui est bien, avec une usine, c’est qu’on peut servir davantage de gens. Pas seulement les musiciens, mais aussi les prestataires, les employés, les revendeurs et les communautés locales.

Quant à notre production à El Cajon, nous avons battu de nombreux records. Le plus grand nombre de guitares fabriquées. La gamme de prix la plus étendue. De nouvelles offres. La qualité de nos produits n’a pas souffert ; elle a, comme toujours, été tirée vers le haut, avec Andy dirigeant la conception de modèles inédits. Je suis heureux de voir les projets prévus pour les années à venir. C’est vraiment enthousiasmant. Notre service de R&D poursuit ses activités comme d’habitude, même si, en toute franchise, nous pourrions les suspendre simplement le temps de satisfaire la demande… Mais nous ne fonctionnons pas comme ça. Nous savons qu’il ne faut pas lever le pied, qu’il faut continuer à améliorer nos guitares pour l’avenir ou à créer de nouveaux types d’instruments.

Je l’ai dit auparavant, et il convient de le répéter : j’ai toujours été convaincu que les usines étaient en mesure de proposer d’excellents produits, avec une qualité exceptionnelle. Le monde regorge de nombreux luthiers sensationnels, qui créent des guitares vraiment sympas. Je ne suis pas jaloux de leurs créations, et je ne décrédibiliserai pas leur travail. Je vous conseille vivement d’acheter leurs guitares. J’ajouterai également que lorsque l’on regarde les guitares vintage les plus recherchées, quasiment toutes ont été fabriquées en usine. Et ce qui est bien, avec une usine, c’est qu’on peut servir davantage de gens. Pas seulement les musiciens, mais aussi les prestataires, les employés, les revendeurs et les communautés locales.

J’adore les usines et les guitares qui y sont fabriquées, en particulier les nôtres ! D’autant plus quand je vois tous les efforts que nous fournissons, à quel point notre tâche est difficile à accomplir, même pour des gens vraiment intelligents et dévoués. Quand je vois que des musiciens se damneraient pour une guitare et la manière dont nous sommes parvenus à accroître notre production de presque 80 000 instruments au cours d’une année très complexe, cela renforce l’admiration que je porte aux usines. Si vous prenez en compte l’épuisement des stocks dans les magasins du monde entier, et que vous ajoutez ce facteur aux guitares que nous avons fabriquées et livrées au cours de ces deux dernières années, des centaines de milliers de musiciens, qu’ils soient novices ou expérimentés, ont pu poser les mains sur nos instruments.

Les gens nous demandent souvent, à Kurt ou à moi : « À l’époque où vous avez créé Taylor, auriez-vous imaginé que Taylor deviendrait ce qu’elle est aujourd’hui ? » Je dois bien avouer que non, jamais je n’aurais pu le concevoir.

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Le billet de Bob

Investir dans l’inévitable

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La capacité d’adaptation est l’une des compétences les plus importantes que nous sommes en mesure de maîtriser, que cela concerne notre vie professionnelle ou notre vie personnelle.

Eh bien, me voilà, encore un peu plus en retrait de la couverture de Wood&Steel. Mon cher ami Jesus Jurado vit à Tijuana ; il me rejoint en Basse-Californie à bord de son Land Cruiser pour découvrir cet État et y camper. Il y a quelques années, il a quitté Taylor Guitars pour prendre sa retraite. Comme il le dit : « Nous devons laisser la place aux plus jeunes. » Je suis heureux de le faire. Andy Powers est en train de prendre ma place, et je la lui cède avec plaisir. C’est à présent lui qui sera en couverture ; ce sont ses réflexions que vous lirez, non seulement en tant que luthier en chef, mais aussi comme président-directeur général.

L’article à la une de ce numéro aborde les incrustations nacrées. Comme vous le savez, j’ai déclaré qu’au fil des années ma carrière de luthier s’était étalée sur une grande période de transition en termes de matériaux naturels. Les choses évoluent, passant de ce qu’elles avaient toujours été à ce qu’elles seront pendant un long moment à l’avenir. Vivre le changement, c’est plus complexe que de vivre avant ou après un bouleversement. Mais comme je ne manque pas de le dire : « Investissez dans l’inévitable ». Nier la fatalité n’apporte rien.

Il est certain qu’une quantité moindre de bois anciens sera disponible pour fabriquer des guitares ; l’abalone (ormeau) sera peut-être également concerné. L’emploi de produits chimiques efficaces, mais dangereux, sera peut-être restreint. Il faut noter que l’avenir de la nacre est plus prometteur que celui de l’abalone : en effet, de nombreuses huîtres sont cultivées et grandissent paisiblement dans des bancs destinés à la production de perles. D’un autre côté, l’abalone, dont la coquille est traditionnellement employée, est récolté dans la nature pour sa chair ; la coquille est un sous-produit dont l’on se sert pour les incrustations. Il s’agit d’abalones matures, avec des coquilles externes entièrement calcifiées. La chair des abalones de culture devient mature bien plus vite que la coquille externe ne se calcifie ; ainsi, ces coquilles ne conviennent pas aux incrustations. La bonne nouvelle, c’est que les scientifiques commencent à prendre des abalones de culture et à les déplacer ailleurs, implantant minutieusement les juvéniles dans des environnements naturels, où ils pourront atteindre leur maturité et, par chance, contribuer au repeuplement de l’espèce.

Nous continuerons à fabriquer des guitares d’exception, même si les éléments qui les composent évoluent légèrement.

Bob Taylor

Heureusement, de nombreuses options s’offrent à nous en matière de décoration de guitare. C’est quelque chose que nous adorons, et on dirait bien que vous aimez nos instruments ! Un jour, vous apprécierez aussi les guitares à table épicéa en quatre pièces. Peut-être ne vous en rendez-vous même pas compte, car nous aurons bien travaillé sur ce concept. En tous cas, c’est ce qui vous attend ! Alors que j’écris ces lignes, des changements surviennent là où l’épicéa pousse, au Canada occidental, et les Américains commencent à se faire à l’idée que l’on ne peut pas couper tous les arbres anciens. Quelques-uns, oui. Mais tous, certainement pas. C’est quand même un grand progrès par rapport à l’époque où l’Homme cessait de tomber des grands arbres après avoir coupé le dernier ! À présent, je nous vois mettre la pédale douce avant qu’il ne soit trop tard, et je ne peux que nous en féliciter. On peut s’adapter. On fera avec. Vous ferez avec. Comme mon ami Eric Warner de Pacific Rim Tonewoods aime à le dire : « Adaptez-vous, migrez ou mourez sur place ». Il a raison ; et nous nous adapterons et continuerons à fabriquer des guitares d’exception, même si les éléments qui les composent évoluent légèrement.

Je m’implique énormément aux côtés de Scott Paul en ce qui concerne l’ensemble de nos programmes environnementaux. Et je suis ravi de vous annoncer qu’ils continent à évoluer. Petit conseil : si vous voulez que quelqu’un vous aide à vous impliquer de plus en plus dans le développement de projets comme ceux que l’on mène, engagez un ancien hippie de Greenpeace et laissez-lui faire le boulot ! Il me suffit de dire : « Tu sais, je me disais que… », et Scott part au quart de tour. Il planche dessus ! C’est sa nature, et aussi son métier. J’espère que vous apprécierez les dernières nouvelles qu’il vous apporte dans ce numéro.

Enfin, je souhaiterais souhaiter du fond du cœur un joyeux vingtième anniversaire à mes chers amis, fournisseurs, collègues et partenaires de Madinter. Comme vous le savez, nous co-détenons ensemble la scierie Crelicam au Cameroun. Cela fait dix ans que nous collaborons étroitement (en novembre 2021, nous fêterons notre dixième anniversaire). Si vous vivez aux États-Unis, peut-être ne connaissez-vous pas Madinter. Jetez donc un œil à leur site : madinter.com. Ils fournissent des luthiers dans toute l’Europe, en particulier en Espagne. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de luthiers installés dans ce pays. Il y en a partout ! Ce que je veux dire, c’est que là-bas, tout le monde connaît un luthier, ce qui n’est pas le cas, ici, aux États-Unis. Vous devriez aller y faire un tour à l’occasion. Vidal, Luisa, Jorge, c’est un plaisir d’avoir passé toutes ces années à collaborer avec vous. Joyeux anniversaire !

Bob Taylor seated on stack of mahogany wood

Le billet de Bob

Fabriquer des objets qui durent

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Bob médite sur la dualité des choses qui durent, mettant en parallèle notre problème de plastique avec la transition de l’entreprise vers un actionnariat des employés.

Quand j’étais gamin, on faisait le tour de la ville à vélo et on buvait dans notre gourde – si on avait pensé à la prendre. En général, on avait oublié… On s’arrêtait alors et on buvait au tuyau du jardin d’un voisin, ou à la fontaine d’une épicerie ou d’un parc. Une bouteille en plastique contenant de l’eau achetée en magasin ne nous venait même pas à l’idée. Ça ne nous tentait même pas ! Si nous avions 50 cents en poche, on s’achetait un soda, on le buvait sur place, et on récupérait les quatre cents de la consigne. Quand mes enfants étaient petits, la bouteille en verre fut remplacée par des cannettes et des bouteilles en plastique.

Au cours de chacune des dix années écoulées, j’ai passé jusqu’à 100 jours au Cameroun, à contribuer à faire décoller la scierie d’ébène dont nous sommes copropriétaires. Quand il pleut, ce sont des trombes d’eau qui s’abattent, la plupart du temps : les rivières enflent et inondent les endroits les plus bas d’une ville de trois millions de personnes. Le jour suivant, l’eau a disparu, mais les bouteilles en plastique ayant été entraînées vers ces endroits demeurent… C’est impressionnant à voir. Des montagnes de plastique, au sens propre, représentant une fraction seulement de la quantité réelle. Pas de gourde ni de tuyau dans ces monceaux de détritus… On ne peut pas les traverser en voiture, ni les contourner ; c’est une douleur impossible à ressentir. Cette vision a eu un impact puissant sur moi, me faisant réduire ma consommation d’eau en bouteille plastique de probablement près de 99 %. C’est un véritable problème. Toutefois, là où nous vivons, dans des pays développés, ces bouteilles en plastique sont collectées et remisées dans des endroits où nous ne les voyons pas, contribuant à occulter le problème. Mais ç’en est un.

Dans ce numéro, Jim Kirlin parle de la montagne de film étirable que nous collectons ici, chez Taylor Guitars, et que nous avons érigée à un endroit terriblement peu commode. Quiconque travaillant ici ou passant à proximité ne peut la manquer. Nous devons nous confronter à ce problème. Nous devons envisager des solutions, même si cela passe par le dérangement impliqué par cet amas de plastique, ou la haine que nous inspire ce matériau, le plus durable que l’homme ait jamais inventé. Le plastique ne disparaît pas. Le plastique ne se dégrade pas. J’espère que cet article vous permettra de prendre conscience des dégradations que nous infligeons à notre planète au nom d’une commodité jetable. Je dois avouer que j’aime ce que le plastique me permet de faire quand je m’en sers ; je n’aime simplement pas ce qu’il fait quand je n’en ai plus besoin. Encore une chose : ne croyez pas qu’il soit entièrement recyclé, ou en tout cas en majorité, car seule une fraction l’est en réalité.

L’actionnariat des employés m’a redonné du baume au cœur, un peu comme le font mes petits-enfants. 

Allez, passons à présent à des nouvelles un peu plus réjouissantes. J’aimerais claironner que Taylor Guitars appartient dorénavant intégralement à ses employés. J’en suis vraiment heureux ! Vous en saurez davantage dans ce numéro, et vous trouverez aussi quelques vidéos à ce sujet. À l’instant où j’écris ces mots, je ne suis plus actionnaire de Taylor Guitars. Je suis employé, heureusement. Des amis m’ont dit que c’était un endroit sympa pour y travailler, j’espère que j’y resterai un bon moment ! En effet, l’actionnariat des employés m’a redonné du baume au cœur, un peu comme le font mes petits-enfants. Je peux maintenant travailler pour les bénéfices de nos employés/propriétaires d’une manière différente et plus concrète. Je suis très optimiste quant à l’avenir de l’entreprise, et des mains dans lesquelles je l’ai placée. Avec cet actionnariat, j’espère que Taylor Guitars durera aussi longtemps que le plastique, les problèmes pour la Terre et ses habitants en moins ! Du développement durable, en quelque sorte. Je voudrais remercier du fond du cœur l’ensemble des employés, revendeurs, fournisseurs et musiciens. C’est grâce à eux que Taylor Guitars est devenue ce qu’elle est aujourd’hui. Je vous promets qu’aucune autre entreprise au monde ne pourrait plus me plaire, et je souhaite continuer à tout donner pour elle.

Le billet de Bob

Après la pluie, le beau temps

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Avec des émotions mitigées, Bob revient sur une année sans précédent.

Les bouleversements de l’année écoulée nous ont entraînés, vous et moi, dans une aventure à laquelle je n’avais jamais pris part auparavant. Sur le plan collectif, nous avons eu l’impression que notre société avait été ébranlée jusque dans ses fondations. Cela s’est ressenti différemment selon les régions du monde. Pour peu que je me souvienne, la santé, l’égalité, l’équité, le leadership gouvernemental, la volonté des populations à se conformer à ce qui leur était demandé, ainsi que de nombreuses autres idées et conditions ont été testés, évalués, réévalués et soumis aux débats comme jamais. Le monde entier a été chamboulé.

À chacune de mes expériences précédentes, j’ai toujours été en mesure de compter sur des personnes qui s’unissaient pour travailler, qui s’efforçaient au maximum de nous sortir du pétrin. Cette fois, cependant, la possibilité d’affronter l’adversité en se rassemblant physiquement était entravée et, dans certains cas, complètement inexistante.

Alors qu’une nouvelle année se profile à l’horizon, nous pouvons constater que le chemin sera encore long avant que nous nous rétablissions de cette pandémie. Toutefois, j’ai hâte que les choses aillent mieux pour nous tous. Les gens que j’ai l’habitude de voir tant à San Diego que dans le monde entier me manquent !

J’adore savoir que pour tant de personnes, jouer de la musique – pour eux-mêmes, pour d’autres, avec d’autres – a un sens.

Une évidence s’est à nouveau imposée : la musique a tenu une place importante et a aidé les gens à se sentir bien. Les données historiques montrent que lors des époques difficiles sur le plan économique, l’industrie des instruments de musique s’en est assez toujours bien tirée : en effet, lorsque les populations sont obligées de se serrer la ceinture, il semble qu’elles trouvent du réconfort dans la pratique de la musique. Pour nous, chez Taylor, ce constat n’a jamais été aussi flagrant qu’au cours de cette année 2020. Les gens ont acheté un nombre impressionnant de guitares… Je n’avais encore jamais vu ça. Je dois admettre que mes sentiments étaient ambivalents : notre gagne-pain était assuré, alors que pour d’autres, ce n’était pas le cas. Nous sommes heureux d’avoir tenu le coup et d’avoir répondu aux besoins des musiciens, mais dévastés en pensant à ceux qui sont en difficulté.

Ainsi, lorsque nous revenons sur nos réalisations de l’année écoulée, notre impression de chance est teintée d’amertume. Comprenons-nous bien : nous ne pensons pas que le monde se porterait mieux si nous avions été en mauvaise posture au nom de la souffrance endurée, mais sachez que nous connaissons tous des amis ou des membres de notre famille qui n’ont pas eu notre chance. De plus, je suis convaincu que sur le plan personnel, tous ceux d’entre nous qui ont été épargnés au cours de cette période sont en train d’aider les moins chanceux qu’ils connaissent.

Une chose qui nous rend fiers, c’est que lorsque nous fabriquons une guitare, cela semble véritablement aider les gens. J’adore savoir que pour tant de personnes, jouer de la musique – pour eux-mêmes, pour d’autres, avec d’autres – a un sens. C’est probablement le plus grand bienfait et la plus grande satisfaction que je connaisse, après avoir passé ma vie à construire des guitares. Cette année, nous avons travaillé dur pour fabriquer ce que les musiciens désiraient. Pour être clair : quand je dis « nous », je le pense vraiment. L’équipe Taylor, présente dans le monde entier, est composée de membres avec lesquels je veux affronter ces moments difficiles. Cela comprend notamment vos revendeurs, et vous, qui achetez nos guitares. Ensemble, nous formons une équipe exceptionnelle, dotée d’une bonne perspective d’avenir, et nous diffusons nos bienfaits dans le monde entier. Je ne pourrais rien demander de mieux.

Dans ce numéro, nous allons continuer à parler de modèles de guitares, de techniques de construction, de matériel, de musique, d’efforts de développement durable et d’autres sujets connexes… La vie continue, et c’est ce que nous désirons. Je voulais juste vous dire que nous sommes conscients de notre chance, et que j’espérais du fond du cœur que tout allait bien pour vous. Pour les moins chanceux, sachez que nous pensons à vous : nous connaissons tous quelqu’un de proche qui a grandement souffert.

Si je peux me permettre : jouez de la musique. Essayez de vous aimer les uns les autres. Aidez vos voisins. Créez des souvenirs impérissables. Vous ne l’oublierez ni ne le regretterez jamais.

BobSpeak

Complexe de fabrication

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Bob vous fait part d’un point de vue concret sur l’écosystème commercial lié à la fabrication et à la création d’une nouvelle série de guitares pendant une pandémie.

Allez peut-être vous chercher une tasse de café, car cet article est un peu plus long que ceux que je rédige normalement. Je me disais que j’allais profiter de l’introduction de la série American Dream pour vous parler de fabrication.

Pendant près d’un demi-siècle, je me suis impliqué quotidiennement dans la fabrication, et j’ai développé quelques connaissances sur le sujet. Je pense que je peux dire sans trop prendre de risque que mon expérience – qui a débuté avec mes mains et un ciseau à bois, et qui a abouti à ce que Taylor est de nos jours – est probablement plus exhaustive que si j’avais été simple ingénieur de fabrication employé par une entreprise. En effet, en termes de fabrication, j’ai assumé la majeure partie des décisions qui nous concernaient pendant tout ce temps, et il m’a fallu vivre avec les conséquences de ces choix. Je sais ce que cela fait de travailler quasiment seul, tout comme d’avoir des sites opérationnels qui tournent bien dans quatre pays, chacun avec des lois, des langues et des cultures différentes.

Je suis heureux de voir que notre entreprise a évolué et qu’elle est couronnée de succès ; de constater qu’elle a su conserver l’intérêt de chacun à l’esprit, qu’il s’agisse des clients et des employés en passant par les prestataires, les actionnaires ou encore la communauté qui nous entoure.

Les différents coûts de fabrication

Toutes les entreprises vendent un produit en essayant de faire des bénéfices via un juste équilibre entre leurs frais et ce qu’elles reçoivent lors d’une vente à un client. Tout comme les employés d’une entreprise, nous désirons tous recevoir le plus haut salaire possible. Mais que se passe-t-il lorsque chacun d’entre nous ne veut payer que le prix le plus bas pour les objets que nous nous achetons ? Nous regardons tous les produits concurrents et, souvent, nous acquérons des produits fabriqués dans des endroits où les coûts sont plus faibles, ce qui implique généralement des salaires moindres. Lorsque les salaires sont plus bas dans un pays différent, les autres frais de soutien peuvent également être réduits : en effet, l’infrastructure implique également des frais moins importants, et tout cela est fondé sur l’équilibre entre salaires locaux et économie.

Un bon exemple actuel de différences de coûts : nos guitares Urban Ash, fabriquées à partir de bois que nous acquérons ici, en Californie du Sud. Certaines personnes nous ont demandé comment nous pouvions prendre un arbre citadin « gratuit », qui allait devenir du bois de chauffe, et en faire une guitare qui coûte autant qu’un instrument fait à partir de bois traditionnel.

Pour faire simple : c’est parce que les frais sont plus élevés, et que la quasi-totalité revient aux personnes qui habitent ici et effectuent le travail sur cet arbre. Des Américains bien payés abattent ces arbres à trois mètres d’une route ou d’une maison, les transportent, les scient et les transportent à nouveau, le tout en touchant un salaire américain, sur des routes domestiques, en payant des taxes, en se conformant aux normes OSHA, en bénéficiant d’avantages médicaux, etc. En d’autres mots, c’est comme si vous ou votre voisin étiez payés pour transformer cet arbre en bois de lutherie pour nous. Si nous voulions uniquement acheter le bois le moins cher qui soit, nous pourrions nous rendre dans des endroits où nous trouverions l’exact opposé des attributs que je viens de décrire. Cependant, si vous voulez le faire ici, cela coûte plus cher.

Localisme transfrontalier

Acheter local est une idée qui intéresse grand nombre d’entre nous dans la ville dans laquelle nous vivons. Toutefois, cela ne devrait pas s’arrêter à la nourriture ou aux boutiques indépendantes. J’admets que vous ne pouvez pas toujours avoir ce que vous voulez à l’échelle locale, mais nous pourrions tous être sensibles au travail accompli par nos voisins et, s’il est possible de les soutenir, ils nous soutiendront en retour.

Malgré cela, nos guitares sont fabriquées dans deux pays différents. Quand je quitte mon domicile le matin, je peux tourner à gauche et me rendre dans notre usine américaine en 20 minutes. Si je tourne à droite, j’arriverai à notre site mexicain en 40 minutes. C’est quelque peu par accident que nous avons eu la chance de pouvoir opérer dans deux pays.

Je peux tourner à gauche et me rendre dans notre usine américaine en 20 minutes, ou tourner à droite et arriver sur notre site mexicain en 40 minutes.

Ici, chez Taylor, nous comprenons les relations transfrontalières d’un point de vue concret et quotidien, ainsi que d’un point de vue familial et amical. Les deux usines fonctionnent en tant qu’une seule entreprise, même avec deux langues et deux cultures. C’est quelque chose de facile, grâce à la proximité entre ces deux entités. Nous nous comprenons, et nous prenons plaisir à être en compagnie l’une de l’autre. C’est un avantage pour nous, en tant que fabricants, et pour vous en tant que musiciens : nous sommes en mesure de vous proposer des guitares selon une vaste gamme de prix, et d’offrir du travail à la fois aux États-Unis et au Mexique.

Nous n’avons pas délocalisé notre production américaine au Mexique. Nous sommes plutôt partis de zéro là-bas, en fabriquant des guitares que nous n’aurions pas pu produire ici, à El Cajon. Je suis heureux de notre éthique, du fait que nous nous soyons développés de l’autre côté de la frontière. En réalité, j’en suis fier. À Tecate, plus de 500 personnes ont un bon travail et fabriquent des guitares qui n’existeraient pas autrement.

Il y a quelque chose d’insaisissable lorsque l’on fabrique une très bonne guitare, et de nombreuses usines du monde entier n’ont pas encore trouvé l’ingrédient secret. Nous ne sommes pas du genre mystérieux (nous avons tendance à partager nos savoirs), mais nous nous employons à faire le nécessaire afin que nos guitares soient suffisamment bonnes pour que les musiciens remarquent la différence. Le fait d’avoir nos deux usines nous permet d’y parvenir, plutôt que de sous-traiter nos produits à prix plus bas à des entreprises de l’autre côté de l’océan.

S’adapter aux bouleversements

Lorsque la Covid-19 a confiné les gens et les entreprises dans le monde entier, nous nous sommes retrouvés avec une usine d’El Cajon fermée puis, quelques semaines plus tard, c’est celle de Tecate qui a suivi le même chemin. Après quelques temps, El Cajon a rouvert doucement ses portes, tandis que Tecate demeurait fermée. Nous nous sommes demandé : « Qu’arriverait-il si nous n’étions pas en mesure de proposer nos modèles fabriqués à Tecate sur le marché ? » Nous savions que nous n’aurions aucun espoir de livrer nos modèles des séries GS Mini, Baby, Academy ou 100. C’est juste qu’il n’est pas possible de les fabriquer ici. Il aurait été faisable de produire des séries 200, mais les outils et les systèmes sont là-bas ; nous ne fabriquons tout simplement pas cette guitare à El Cajon. Ici, nous construisons des guitares en bois massif.

Nous avons ainsi commencé à songer au concept qui allait devenir la série American Dream ; cette dernière associe certaines techniques de fabrication spécifiques à des bois de lutherie normaux, que nous avions mis de côté au fil des années en raison de certains attributs cosmétiques, de tailles disparates ou d’espèces que nous n’employons actuellement pas dans notre gamme. Nous aimons dire que nous avons fait avec ce que nous avions dans les placards ! Le bouleversement qui nous a impacté cette année nous a obligés à penser et à agir de cette manière.

Tecate semblait tellement loin pendant ces mois… Mais nous avons rapidement réalisé que nous avions une présence légitime là-bas, et que nous faisions partie de cette ville, tout comme ici. Nous avons rapidement transformé le service de couture des housses de guitare en production de masques pour aider les personnes travaillant dans le domaine de la santé. Nous avons eu l’autorisation de maintenir cette petite ligne de couture pendant la fermeture. Les lumières ont fini par revenir dans d’autres zones de l’usine. Nous avons commencé à travailler avec les fonctionnaires gouvernementaux en charge du travail, de l’économie et de la santé pour préparer notre usine à une réouverture potentielle et sûre sur le plan sanitaire. C’était le test de toute une vie, portant sur nos rapports avec la ville et le pays dans lesquels nous sommes implantés.

Pendant ce temps, la série American Dream naissait ici, à El Cajon. Nous ne voulions pas attendre de voir ce qui pouvait se passer (ou pas) au Mexique. Nous avons beaucoup réfléchi à cette guitare, et nous avons progressé rapidement pour briser les barrières mentales et physiques de manière à pouvoir produire cet instrument. Au compte-gouttes, les gens ont commencé à revenir travailler à El Cajon. Nous nous sentions optimistes et créatifs. En ces temps, la guitare était un triomphe à nos yeux.

Avance rapide, retour au présent : nos employés sont de retour au travail dans les deux endroits, avec une distanciation sociale tellement stricte que nous devons travailler sur des plages de 24 heures, 7 jours par semaine, pour réaliser toutes les tâches qui nous incombent. Mais nous sommes en bonne santé, nous sommes en sécurité, et notre gagne-pain est rétabli. Nos revendeurs sont ravis car leurs revenus se sont améliorés, et nos clients ont redécouvert les joies de la musique « faite maison ». Nous expédions nos guitares, les revendeurs les vendent, et vous en jouez.

Tout va bien. Toutes ces réflexions dont je voulais vous faire part sont destinées à vous dire que les objets proviennent d’endroits qui les fabriquent, et que des gens travaillent dans ces endroits qui fabriquent de tels objets. Nombre de ces personnes… C’est vous, votre voisin, votre famille, ou moi. Nous œuvrons tous pour produire quelque chose qui sera vendu, et nous achetons tous des objets que d’autres fabriquent. C’est symbiotique. Vous nous soutenez, nous vous soutenons. Cette année, un grand nombre de personnes ont réfléchi à des choses : les bonnes et les mauvaises. Je pense que nous sommes tous d’accord sur un fait : la musique est une bonne chose.

Le billet de Bob

Une Question de Confiance

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Bob explique pourquoi les efforts de Taylor pour établir la confiance avec nos partenaires sont importants, en particulier pendant les périodes difficiles.

Allez peut-être vous chercher une tasse de café, car cet article est un peu plus long que ceux que je rédige normalement. Je me disais que j’allais profiter de l’introduction de la série American Dream pour vous parler de fabrication.

Pendant près d’un demi-siècle, je me suis impliqué quotidiennement dans la fabrication, et j’ai développé quelques connaissances sur le sujet. Je pense que je peux dire sans trop prendre de risque que mon expérience – qui a débuté avec mes mains et un ciseau à bois, et qui a abouti à ce que Taylor est de nos jours – est probablement plus exhaustive que si j’avais été simple ingénieur de fabrication employé par une entreprise. En effet, en termes de fabrication, j’ai assumé la majeure partie des décisions qui nous concernaient pendant tout ce temps, et il m’a fallu vivre avec les conséquences de ces choix. Je sais ce que cela fait de travailler quasiment seul, tout comme d’avoir des sites opérationnels qui tournent bien dans quatre pays, chacun avec des lois, des langues et des cultures différentes.

Je suis heureux de voir que notre entreprise a évolué et qu’elle est couronnée de succès ; de constater qu’elle a su conserver l’intérêt de chacun à l’esprit, qu’il s’agisse des clients et des employés en passant par les prestataires, les actionnaires ou encore la communauté qui nous entoure.

Ces deux idées sont vraies, même en même temps. Depuis fin février, je pense à une autre partie de cette idée qui est rarement mentionnée. Je connais peut-être quelqu’un qui pourrait m’aider, mais que sait-elle de moi? Dans le cas de Taylor Guitars, nous connaissons peut-être des gens qui peuvent aider pendant ces périodes, mais que pensent-ils de nous? Venons-nous à eux pour résoudre notre urgence après avoir déjà établi une relation de confiance avec eux? Ou demandons-nous quelque chose qu’ils se sentent obligés d’accorder alors qu’ils ne veulent pas l’accorder, parce qu’ils estiment que nous n’avons pas encore gagné leur confiance?

Pour surmonter nos défis mondiaux ces derniers mois, nous avons beaucoup compté sur les relations que nous avons nouées et sur ce que ces autres personnes pensent de nous. Nos points de vente nous font confiance en raison du service et de la qualité que nous leur avons fournis, et nous leur faisons confiance pour bien nous représenter. Nous avons donc pu mener l’une des meilleures promotions de vente que nous ayons jamais faites, appelée «Taylor Days». Les revendeurs étaient stupéfaits. Lorsque notre équipe commerciale nous a présenté le plan, nous leur avons fait confiance. Et ainsi de suite.

“Pour surmonter nos défis mondiaux ces derniers mois, nous avons beaucoup compté sur les relations que nous avons nouées et sur ce que ces autres personnes pensent de nous.”

Lorsque nous avions besoin d’une équipe réduite travaillant ici et effectuant des tâches essentielles à l’usine pendant le confinement, nous pouvions appeler les autorités de la ville et demander l’autorisation. Ils nous ont fait confiance. Ils l’ont accordée. Nous n’avions jamais abusé de leur confiance en 45 ans, et nous avons participé aux besoins et aux idées de la ville, alors ils nous ont fait confiance.

Lorsque nous avons cherché à aider chaque employé de Taylor à recevoir leur aide gouvernementale, nous sommes allés au EDD (Employment Development Department) de Californie, nous les connaissions bien. Ils nous font confiance en raison de nos collaborations positives dans le passé. Notre personnel des ressources humaines a travaillé si dur pour servir nos employés en remplissant tous les formulaires, en ouvrant la voie et en les guidant tout au long du processus, et ils avaient une assistance efficace de la part de l’EDD, avec un contact qui était heureux de nous aider. Nos employés en ont grandement bénéficié et ont une solide confiance dans l’attention que Taylor leur accorde.

Lorsque nous nous rendons dans une forêt dans un pays lointain et demandons de l’aide aux projets internationaux du US Forest Service, ils ont hâte de prêter main forte parce que nous avons gagné leur confiance et participé à leurs initiatives dans le passé.

Je pourrais continuer à nommer des dizaines d’autres exemples, mais déjà ceux-là sont significatifs. Il pourrait y avoir des gens qui, selon leur point de vue, pourraient voir ces exemples cités comme du favoritisme. Bien que nous puissions être les favoris de certains de ceux que j’ai mentionnés (et nous le sommes), c’est à cause de la confiance et du respect que nous avons construit ensemble, non pas parce qu’ils sont notre oncle ou parce que nous leur donnons de l’argent.

Je dis tout cela parce que ces derniers temps, plus que jamais, je n’ai pas arrêté de penser que nous avions tous besoin les uns des autres. C’est un sentiment qui est souvent ressenti pendant cette période de COVID-19. Bien sûr, nous ne sommes pas toujours d’accord, mais si les relations que nous avons nouées sont plus fortes que nos désaccords, nous pouvons travailler ensemble vers un bon résultat.

Avec un de mes meilleurs amis dans la vie, nous ne sommes pas d’accord sur de nombreux points de vue politiques, surtout en ce moment. Mais notre amitié survit assez bien parce que nous ne nous appuyons pas uniquement sur cela pour être amis. Nous avons tant d’autres liens plus importants entre nous.

Chez Taylor Guitars, nous avons besoin de toutes ces personnes et relations que j’ai nommées, et des centaines que je n’ai pas mentionnées ici. Mais s’il n’y avait pas eu de confiance mutuelle au fil des ans, nous n’aurions pas pu décrocher le téléphone, envoyer un SMS ou demander de l’aide aux autres comme nous avons pu le faire récemment. L’aide que nous avons obtenue a été facile et gratuite, car nous avons cultivé des relations solides.

J’écris cette chronique aujourd’hui pour exprimer ma gratitude aux dirigeants, partenaires commerciaux, vendeurs, clients, points de vente, employés, notre équipe de direction, nos gestionnaires et nos autres amis pour avoir été heureux de nous soutenir ici chez Taylor Guitars, comme nous les avons également soutenus. Je suis ravi que nous puissions leur demander et les entendre répondre: “Oui, bien sûr!”, c’est le juste retour des choses. Cela a été un point positif pour moi ces derniers temps, plus que jamais auparavant.

Un toast aux fabricants de guitares
Bob réfléchit aux raisons pour lesquelles la «boutique» Taylor est un endroit spécial et salue ses confrères luthiers du monde entier.